The Grocery Tome 3

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Couv_207031Par Mathieu T

Avant d’embarquer dans le vif du sujet, j’aimerais préciser que je vais écrire sur les trois premiers tomes de la série et non seulement le tome 3 ; comme bien des séries courtes (celle-ci se terminera en quatre tome), il est difficile de séparer les albums les uns des autres tant ils forment un tout cohérent. Pensez à La Guerre d’Alan de Guibert par exemple.

D’emblée, vous tenez entre les mains un objet d’art. Je m’attarde peu souvent sur la bédé en tant que contenant car trop souvent c’est décevant : du papier de mauvaise qualité, une couverture fade, une tranche sans vie. Mais ici, c’est le bonheur. Deux exemples : au recto, un vif-argent contourne le titre de la série et l’éclat de la lumière reflétée attire notre regard comme celui des paquets de cartes de hockey de notre enfance; au verso, en filigrane, la circulaire de la fameuse Grocery. Saviez-vous que la moutarde French’s est en vente à 2,50$ cette semaine ? Même avant d’ouvrir l’album, le lecteur fébrile sent tout le soin que la maison d’édition a apporté à son produit.

Une fois les premières cases avalées, c’est toujours le bonheur. Pour tous ceux qui n’auraient pas lu les tomes 1 et 2, The Grocery raconte l’histoire du jeune Elliot dont le père vient de reprendre une épicerie dans un quartier paumé de Baltimore. Au fil des pages et des tomes, l’histoire se complexifie, les personnages se multiplient et les ramifications deviennent de plus en plus tordues. Au menu d’Aurélien Ducoudray: la pauvreté, la violence, les guerres de gang, la télévision sensationnaliste, la drogue, les prisons. Le scénariste a pris soin de bien développer les antihéros de cette histoire qui n’épargne personne ni physiquement ni moralement. Bref, une chronique réaliste des banlieues pourries. Le tome 3, si je peux lui donner une particularité, est d’une violence rare et la finale suggère un tome 4 assez radical.

Ce qui ajoute au « charme » de cette série, c’est le contraste entre le scénario cru de Ducoudray et le dessin naïf de Singelin. Dans cette violence omniprésente, Giullaume Singelin nous propose des êtres humains remplacés par des personnages vaguement animaliers rappelant ici et là une grenouille, un canard, un chien, mais tous avec des traits exacerbés (cou trop long, yeux exorbités). Nous sommes plus près de Disney que du Blacksad de Guarnido, mais ici les petits Mickey arborent des tatouages nazis. Et le lecteur y croit. Davantage, Singelin s’est appliqué à teinter ses images de couleurs pâles comme s’il avait voulu atténuer la densité et l’agressivité du propos. Chaque album possède d’ailleurs sa palette et le tome 3 resplendit de brun ocre et de doux orangé. Faites l’exercice de regarder la page couverture du tome 3 pour remarquer comment tous les détails du dessin de Singelin prennent vie et donne du sens à l’histoire de Ducoudray.

Si je n’avais pas su que The Grocery était le fruit du travail de deux Français, j’aurais parié ma chemise que la série était une traduction d’une bédé américaine publiée chez Vertigo tant la vérité est au rendez-vous.* Une très grande série à laquelle ne manque qu’une finale magistrale.

*Hormis cette petite bévue qui a vraiment achalé l’amateur de sports en moi à la page 14 du tome 2. Sans impact sur le scénario, fort heureusement.

9/10

The Grocery Tome 3

Auteurs : Aurélien Ducoudray (scénario) Guillaume Singelin (dessins)

Éditeur : Ankama éditions 2014

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