Par Danyrou :
Après le succès du diptyque, la Cour des Hiboux, le duo Scott Snyder (scénario), Greg Capullo (dessin) reprend du service avec un troisième tome qui n’a toutefois pas de liens directs avec les deux volets précédents. Après avoir combattu l’horrible confrérie des Hiboux, Batman affronte encore une fois le Joker, son pire et plus vieil ennemi qui revient après une année d’absence. Les dernières nouvelles que l’on avait eu du clown dément, c’était lors de son évasion de l’asile d’Arkham où, à sa demande, un codétenu du nom de Le Taxidermiste lui avait littéralement fait un « scalpe » du visage. Après sa fuite, la police avait saisi le masque de chair que le Joker avait abandonné derrière lui et le conservait depuis dans la salle des pièces à conviction du commissariat de Gotham.
C’est ainsi que Le deuil de la famille s’ouvre sur une scène où le Joker s’introduit dans ce même commissariat afin de récupérer son visage après avoir tué plusieurs policiers et terrorisé le commissaire Gordon. L’image que nous aurons de l’assassin dès à présent sera digne d’un cauchemar. La peau du visage meurtrie sera tout simplement agrafée et retenue par un élastique.
Le clown assassin dans ce nouveau chapitre de la fresque « batmanienne »se dépasse en cruautéet et en folie meurtrière. Il n’hésite pas à tuer de nombreux agents de la paix, à prendre en otage l’asile d’Arkham et à contraindre et torturer les gardiens de l’institution pour qu’ils lui servent d’homme de main. Il commet tous ces méfaits afin de réaliser l’ultime projet qu’il concocte depuis une année. Ce plan délirant consiste tout simplement à aider Batman à recouvrer toute sa fougue d’antan! Dans son esprit malade, le Joker veut retrouver son ennemi tel qu’il était lors de leurs premiers affrontements. Mais pourquoi donc, Batman a-t-il tant changé? La réponse du bouffon sanguinaire est la suivante : « C’est la faute de La Famille ». Cette « famille »dont on parle ici est composée de tous ces jeunes super-héros qui tournent autour de Batman depuis quelques années : Dick Grayson, le premier Robin qui incarne maintenant Nightwing ; Jason Todd et Tim Drake, qui furent respectivement les deuxième et troisième Robin ; Damian Wayne, le Robin actuel ; Barbara Gordon, fille du commissaire qui enfile le costume de Batgirl. Grâce à son talent pervers, le Joker réussira à les enlever tous et tendra un guet-apens à Batman qui se précipitera pour sauver ses amis. Mais le Joker à d’autres projets. Il tient à ce que Batman soit obligé de mettre à mort par lui même ses jeunes protégés, qui sont pour lui source de ramollissement et d’embourgeoisement, selon le clown psychopathe.
Le deuil de la famille est selon moi une des meilleures histoires opposant Batman au Joker. On apprend et on comprend, lors de cette page d’histoire mémorable de la saga du chevalier noir, des aspects méconnus sur la relation entre les deux ennemis jurés. On découvre à travers les yeux du Joker que ce fou à lier considère presque Batman comme un partenaire amoureux avec lequel il s’amuse. Il aime jouer avec l’esprit de son adversaire, il trouve un plaisir certain à pousser ce dernier àbout. Il tient à lui prouver que même si Batman le déteste profondément, il ne pourra jamais le tuer. Nous découvrons du même coup que le contraire est aussi vrai. C’est ainsi que le Joker avoue implicitement qu’il n’a jamais souhaité la mort de l’alter ego de Bruce Wayne.
La révélation de cette relation tordue est franchement captivante. Le récit nous fait ressentir la crainte qu’inspire malgrétout le Joker à un Batman réputé intrépide. Le chevalier noir se répètera inlassablement que son ennemi n’est pas une bête sortie de l’enfer, que c’est un homme comme lui, qu’il souffre sous les coups et qu’il peut être terrassé. De leur côté, les membres de «La Famille», soucieux de préserver leur sacro-sainte identitésecrète, craignent que le Joker ne connaisse leur véritable identité civile. Mais Batman les rassure en affirmant que cet aspect essentiel àla tranquillitéd’esprit de tout super-héros n’est pas menacé par l’ex-comédien raté (Je vous laisse le loisir de découvrir pourquoi).
C’est donc un récit mené de main de maître, plein d’action, mais qui plonge aussi profondément dans la psychologie des personnages. Je trouve que les scénarios des comics de superhéros à l’américaine ont tendance souvent à tourner un peu les coins ronds et deviennent même parfois un peu confus et brouillons tellement les auteurs tentent de mettre l’accent sur l’action. Cependant nous sommes à mille lieues de cette réalité dans l’oeuvre de Snyder.
Pour ce qui est de l’approche graphique, Capullo contribue de façon magistrale à cette aventure sombre où une ambiance d’urgence et de fin du monde règne grâce à son trait. Capullo contribue à nous faire frémir devant la folie du Joker pour ainsi ancrer en nous une légère anxiétéet un profond dégoût devant ce clown grotesque portant un masque en décomposition autour duquel virevoltent constamment des mouches. J’espère ne pas trop vous effrayer ou vous rebuter devant ce dernier opus de Snyder et Capullo… Pourtant je ne suis pas inquiet. Je crois au contraire avoir convaincu les amateurs de l’homme chauve-souris de se précipiter sur un exemplaire du Deuil de la famille.
9/10
Batman, tome 3 ; Le deuil dans la famille
Auteur Scénario : Scott Snyder. Dessin :Greg Capullo
Édition :Urban Comics (2013)
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