Par Danyrou :
« Le Québec c’est super. » « Le Québec c’est génial. » « Ils cultivent la canneberge! » Comme tout Français qui se respecte chacun connaît quelqu’un qui vit où qui a été au Québec et à chaque fois l’opinion est unanime « Le Québec c’est super! » On répéta tellement souvent cet apriori positif à Pauline et Édouard qui s’apprête à immigrer à Montréal pour une année avec un permis vacances-travail, qu’ils ont l’impression de partir pour une espèce de pays de cocagne… Bref de débarquer à Québec land!
C’est ainsi que débute le récit de voyage de Pauline Bardin, jeune comédienne originaire du Mans, de son amoureux Édouard Bourré-Guibert, qui travaille dans l’édition bédé et de leur chat Gaspard. À la suite à leur rencontre avec Aude Massot, une compatriote illustratrice qui vit aussi à Montréal pour une année, le couple a eu l’idée de raconter leurs aventures en bande dessinée sur un blogue qui fut en ligne de mai 2013 à février 2014. C’est donc ce travail numérique que l’on nous offre aujourd’hui en version papier.
Rédigé sous la forme d’un guide de voyage à l’usage des « pvtistes » (nom donné aux jeunes profitants du programme permis vacances-travail) le récit du couple est divisé en quatre parties correspondantes aux quatre saisons où ils vécurent à Montréal. Sous un ton humoristique, on rigole en les voyants tenter de s’installer comme tout bon Français, sur le Plateau Mont-Royal, la petite France de Montréal qui est fuie par les Québécois pour ses prix de loyer exorbitants, mais qui ne rebute pas nos cousins habitués aux couts élevés de l’immobilier. Assis dans un parc du dit plateau, le couple réalise alors une fois leur logement trouvé qu’ils sont entourés de compatriotes. Vive le dépaysement! Le couple nous explique aussi ses démarches pour se trouver des petits boulots et le plus important, même si l’on a tendance à l’oublier, ils nous montrent leur galère pour se faire des amis dans leur nouvel environnement. Toujours sympathiques, les auteurs utilisent beaucoup l’autodérision. On sent qu’ils connaissent très bien le Québec et jouent à gros trait sur l’image que les Québécois ont des Français venus fouler le sol de leur coin d’Amérique. Ici, nous sommes loin des clichés d’il y a 30 ans, du Français qui débarque dans la colonie et s’attend à vivre dans une cabane au cœur des bois et apprivoiser les caribous qui broutent dans le jardin. Pauline et Édouard sont heureusement à l’image de la majorité des jeunes Français qui viennent en masse pour vivre en Amérique francophone. Ils sont informés, sont sensibles au Québec et tiennent à vivre leur quotidien comme les autochtones, ce même si parfois les rillettes et le camembert peuvent leur manquer. (Cependant, j’aurais des adresses et des noms de fromage bien québécois à leur donner et qui soutiendraient certainement la comparaison avec plusieurs produits de l’hexagone.)
On sourit à leur description du printemps érable qu’ils ont vu se dérouler sur le pas de leur porte. Ils adoptent un point de vue, faisant place à la fantaisie dans leur récit de ce moment marquant de l’histoire récente. Ce qui aurait pu être un peu n’importe quoi, s’avère efficace et fait mouche. J’ai bien aimé aussi leurs observations de petits détails qui font parfois toute la différence et peuvent provoquer des malentendus. La caissière qui tutoie ses clients, la complexité des prix sur nos menus de restaurants qui n’incluent ni la taxe ni le pourboire en sont des exemples savoureux. Les aventures de Pauline et Édouard ne se déroulent pas qu’à Montréal, dans PVT il y a aussi le mot vacances. Ils nous amèneront donc avec eux dans leurs virées à Tadoussac, en Gaspésie, à New York, etc.
Cependant, j’ai une petite réserve. Pour ce qui est de leur regard sur l’hiver, qui est la dernière partie du volume, j’ai perdu un peu mon sourire. Alors, comme je le mentionnais plus haut que les auteurs s’étaient tenus bien loin des déjà-vu tout au long de leur récit, pour la partie hivernale, ils ont peut-être un peu trop flirté avec ces derniers. Cependant, je suis prêt à pardonner cette légère anicroche à Pauline et Édouard, ils sont trop charmants. On les sent sincères dans leur amour du Québec et ça transparait dans leur travail. En cette saison estivale, qui commence, lorsque les sortis en librairie des gros canons de la bande dessinée se sont tues jusqu’à l’automne, Québec Land sur les étagères depuis le 19 juin est un excellent choix pour vos vacances.
8/10
Auteurs: Pauline Bardin et Édouard Bourré-Guibert (Scénario) Aude Massot (Dessin)
Édition: Sarbacane (2014)