La mémoire est un drôle d’outil. Quand quelqu’un me parle d’Hercule, même dans un contexte académique, il me vient toujours en tête ce dialogue savoureux :
Jules César : Avez-vous entendu parler d’Hercule ?
Obélix : Herculeminus, le marchand d’amphore ?
Jules César : Non, non. Le dieu Hercule.
(Les Douzes travaux d’Astérix – 1976)
J’écrivais la semaine dernière à propos de Fantômas, un personnage fort exploité à l’extérieur de ses romans d’origine. Voilà maintenant que se pointe le dieu Hercule, lui aussi interprété à toutes les sauces. Heureusement pour nous, Édouard Cour publie le deuxième tome de sa trilogie Herakles, une bédé qui aide à nous réconcilier avec le mythe fondateur largement massacré par Hollywood (merci The Rock !).
Cour s’approprie l’Histoire et nous offre une vision nuancée de l’homme-qui-deviendra-un-dieu loin de celle, unidimensionnelle, de la montagne de muscles qui accomplit des exploits. Certes, dans ce deuxième tome, Herakles continue à relever les défis, mais la tâche s’avère plus compliquée que prévue parce qu’il a un ennemi implacable à combattre : lui-même. Déjà, dans le premier tome, l’auteur nous montrait que cet homme, fils de Zeus et d’Alcmède, est une paradoxale machine à tuer, à la fois insensible mais aussi humaine et pleine de remord. Chacun de ses pas marque le sol d’une traînée de sang (voir la superbe couverture à cet effet). Le tome 2 creuse encore ce sillon et nous montre Herakles tiraillé entre prouver sa valeur au monde et fonder une famille et vivre tranquille. Mais les dieux malins ne sont jamais loin et la finale du volume est terrible. Ouf.
J’aime beaucoup les dessins originaux. J’aime aussi quand un dessinateur s’inspire ouvertement des grands maîtres. Ici, Cour fait du Sfar mieux que Sfar (disons le Sfar qui s’applique période Chat du rabbin). Le trait est nerveux, précis et imprécis à la fois. Le lecteur sent même la présence du crayonnée de plomb, comme si l’auteur l’avait volontairement laissé sur la feuille. Les cases sont remplies de décors anguleux et se moulent parfaitement aux voyages insolites. Le livre s’ouvre sur une magnifique pluie torrentielle tandis que le lecteur sent l’ombre d’Herakles en colère. Plus loin, lorsque le héros effectue un aller-retour en enfer, la lourdeur du noir est insupportable. Couleurs et images transcendent l’histoire et se balancent entre les trois pôles de la personnalité du héros : la puissance tranquille, la rage meurtrière et le dégoût de soi.
Mais que peut un homme, si fort soit-il, devant l’Olympe ?
Un petit mot pour terminer sur Akileos, l’éditeur de cette bédé. Fondée en 2002 à Talence, une ville en banlieue de Bordeaux, cette maison a effectué un travail d’édition impeccable. Bravo. Allez voir leurs autres produits bédé sur http://www.akileos.com
8,5/10
Herakles tome 2
Auteur : Édouard Cour
Éditeur : Éditions Akileos (2014)
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