Ni Dieu, Ni Maître ; Auguste Blanqui « L’Enfermé »

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Par Danyrou :

ni-dieu-ni-maitre-auguste-blanqui-l-enferme-bdAuguste Blanqui (1805-1881) est sans conteste un personnage méconnu, mais qui a fait sa marque dans l’histoire des idées politiques. Socialiste radical à tendance anarchiste, mais non marxiste, il prôna des théories sympathiques à la prise de pouvoir par la violence par un petit groupe de révolutionnaires professionnel. Ses prises de position sans concessions furent en partie les causes de ses ennuis avec l’État français toutes tendances confondues ; monarchiste, impérial ou républicain. Pendant les 75 années de son existence, il en passa 43 en détention ou en exil, ce qui lui valut le surnom de « l’Enfermé ».

Malgré ses périodes d’emprisonnement prolongé, ses écrits et les nombreux journaux qu’il créa lui permirent d’occuper une place prépondérante sur la scène politique française lors des révolutions de 1830 et de 1848, de même que lors de la Commune de Paris en 1871. Bref, les idées radicales qui ont forgé le « blanquisme » influencèrent toute une génération d’hommes politiques.

Ces quelques lignes sur la vie de Blanqui sont nécessaires pour vous faire comprendre à quel point Ni Dieux, Ni Maître  ne nous permet pas d’appréhender toutes l’envergure de ce personnage historique. L’œuvre du scénariste Loïc Locatelli Kournwsky nous montre un Blanqui vieillissant à l’âge de 72 ans, toujours en prison, qui accepte de recevoir tous les vendredis un journaliste à qui il racontera sa vie, en échange des journaux de la semaine. Locatelli Kournwsky a ainsi privilégié le procédé narratif du flashback pour relater les étapes marquantes de la carrière du révolutionnaire. Pour bien compartimenter chacun des volets temporels du récit, Maximilien Le Roy, illustrateur entre autres du Nietzsche de Michel Onfray, teinte de sépia le récit des années de jeunesse du héros.

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Si le dessin est agréable et fluide, le scénario, à mon avis, ne rend pas justice à Blanqui. Si un lecteur se contente de la bande dessinée et ne fait pas une petite recherche personnelle comme moi, Blanqui apparaît sous la plume de Loïc Locatelli Kournwsky comme un révolutionnaire un peu illuminé, un raté fini qui échoue dans toutes ses entreprises. C’est une image romantique escamotant des faits historiques capitaux que nous livre le scénariste. Nulle part ne fait-il mention de la violence prônée par Blanqui. Nulle part ne comprend-on les raisons et le pourquoi de la révolte. Ses idées, quand Blanqui les communique, restent toujours vagues; jamais n’apprend-on ce qui distingue le blanquisme des autres mouvements socialistes contemporains. Bref, en refermant le livre, on se demande franchement pourquoi ce marginal a donné son nom à des boulevards, des rues, des lycées, des collèges, des parcs et des cités.

Les auteurs ont-ils eu peur de nous expliquer et de nous vulgariser les idées de Blanqui? Ont-ils craint de s’emmêler dans leurs pinceaux? Pourtant, selon moi, la bande dessinée se prête bien à la simplification et l’illustration de concepts de prime abord rébarbatifs. Joe Sacco, avec Gorazde et Palestine, tout comme Philippe Squarzoni avec Saison brune ou Zapata en temps de guerre nous ont pourtant démontré que la bédé pouvait être un outil efficace pour comprendre des idées complexes.

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Cependant, à la décharge de Locatelli Kournwsky et sans vouloir excuser les lacunes scénaristiques de cet ouvrage, je suis conforté dans mon opinion vis-à-vis la bande dessinée biographique. Si la bédé peut parler de presque tout, du roman graphique au reportage, de l’histoire politique à la comédie, elle rencontre ses limites avec la biographie. Je ne compte plus le nombre de bandes dessinées qui m’ont déçu avec ce genre. Peut-être qu’une vie aussi remplie et pleine de paradoxes que celle de Blanqui aurait mérité plusieurs volumes? Je ne sais pas, mais il y a toujours quelque chose qui cloche lorsque l’on met en cases et en phylactères la vie d’un personnage historique. J’étais pourtant plein de bonnes volontés, j’adore au départ le contexte et l’époque où Blanqui a vécu, mais non… J’attendrai encore la bédé biographique qui me satisfera. Si vous voulez absolument lire Locatelli-Kournwsky et Le Roy, je vous conseille de faire une petite recherche sur le personnage afin de ne pas vivre la même déception que moi.

5/10

Ni Dieux, Ni Maître : Auguste Blanqui « l’Enfermé »

Auteurs : Loïc Locatelli Kournwsky scénario, Maximilien Le Roy dessin

Édition: Casterman

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