Par Danyrou :
Publié aux débuts des années 2000 par DC Comics, Gotham Central fut un succès critique retentissant aux États-Unis. Voilà pourquoi Urban Comics — cette excellente maison d’édition française qui s’est donné pour mission d’offrir au lectorat francophone le meilleur de la production de DC et de Vertigo — nous livre enfin une traduction du premier tome de cette série magistrale.
Scénarisée par Ed Brubaker et Greg Rucka, deux surdoués du polar maintes fois primés aux Eisner Awards, cette série raconte le quotidien et le travail de terrain des inspecteurs affectés aux crimes majeurs du GCPD (Gotham City Police Department). Le lecteur apprend ainsi à connaitre avec un grand plaisir ces humbles fonctionnaires de la sécurité publique de Gotham, trop souvent absents des aventures du chevalier noir et qui mettent leur vie en jeu pour que règne la paix sur la cité. Du coup, on constate rapidement que Batman n’est pas seul à se frotter aux super vilains comme Mr Freeze ou Double Face. Les seize inspecteurs du GCPD doivent aussi se salir les mains pour combattre ces psychopathes qui ne cessent de s’évader de l’asile d’Arkham.
Batman n’est bien sûr jamais bien loin lors de ces enquêtes, mais les scénaristes le maintiennent toujours à l’arrière-plan, presque en filigrane. Il interviendra pour aider les policiers à mettre hors jeu les super-criminels, mais on découvre que ce sont souvent ces mêmes policiers qui mettront Batman sur la piste. Il est amusant de découvrir de l’intérieur les relations complexes des enquêteurs avec le super-héros. Souvent, ils préfèreront mener leurs enquêtes seuls avec leurs propres ressources plutôt que de faire affaire avec cet énigmatique personnage en qui ils n’ont pas entièrement confiance. Nous sommes loin de l’époque où le commissaire Gordon, aujourd’hui à la retraite, se précipitait sur le toit du commissariat au moindre problème et activait le «bat-signal» qui ne doit de toute façon être utilisé qu’en cas de force majeure selon un protocole complexe.
Les scénaristes ont une idée géniale élaborant ce concept d’une série policière traditionnelle, mais se déroulant dans l’univers de la sombre cité de Gotham — qui ressemblent à plusieurs égards à New York. La psychologie des protagonistes est loin d’être simpliste, nous sommes dans une écriture de qualité et dans l’art du dialogue manié avec grand talent. On s’attache presque tout de suite à ces personnages tout au long du récit. Leurs vécus, leurs vies privées, leurs relations interpersonnelles sont d’une grande crédibilité. Les deux équipes de fins limiers sont dirigées par la capitaine Maggi Sawyer, fraîchement arrivée de Metropolis, et par le lieutenant David Cornwell.
Dans ce premier tome, qui comporte de deux récits, nous apprendrons à connaître plus particulièrement l’inspecteur Marcus Driver dont le coéquipier est tué par Mr Freeze au tout début de la première enquête; nous en saurons aussi davantage sur l’inspectrice Renée Montoya qui sera au cœur de la tourmente puisque, dans la deuxième histoire, sa relation avec une autre femme sera révélée contre son gré. Un moyen original d’aborder le thème de l’homosexualité, rarement évoqué dans le comic américain.
Toute la singularité de Gotham Central réside d’ailleurs dans cette approche: voilà une bande dessinée mature où les sagas, les batailles épiques et les exploits fantastiques de surhommes cèdent le pas aux faits et gestes d’êtres humains normaux. Des policiers qui pourraient être vos voisins et qui luttent contre une criminalité endémique qui contamine cette mégalopole d’abord imaginée comme terrain de jeu de Batman, de Robin et des génies du crime. Les dessins de Michael Lark ajoutent au réalisme des situations et à l’ambiance toujours lourde et sombre de Gotham. Bref, pour qui aime les bons polars, c’est une valeur sûre. Nous nous réjouissons déjà de la sortie, au cours des prochains mois, des trois autres volumes de la série.
8.5/10
Gotham Central tome 1
Auteur : Ed Brubaker et Greg Rucka scénario/ Michael Lark dessins
Éditeur : Urban Comics (2014)
si on aime le polar, on ne peut que aimer Gotham Central. J’aimerais bien que cela devienne une série télévisée, tout comme Gotham.
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