La Machine à influencer

Publié par

arton108-58381par Pedro Tambien

Les médias véhiculent-ils une pensée unique dans le but de façonner l’opinion publique ? Ou est-ce plutôt nous-mêmes qui filtrons les opinions que nous voulons entendre, voir et lire ? La Machine à influencer, bédé écrite par une animatrice de NPR (équivalent américain de Radio-Canada) et dessinée par un fidèle collaborateur de Harvey Pekar,  répond habilement à ces questions et propose une grille d’analyse des tendances actuelles des médias de masse.

Brooke Gladstone débute sa bande dessinée avec deux histoires de deux pages chacune qui captiveront le lecteur : tout d’abord, une mini-autobiographie où elle explique sa vocation de journaliste, puis une anecdote sur un commerçant anglais à la fin du 18ème siècle qui est convaincu que son pays est sur le point de tomber sous l’emprise d’une… machine à influencer.

S’inspirant du style de L’Art Invisible et Faire de la bande dessinée, les opus de Scott McCloud sur le 9ème art, Gladstone s’immisce dans la narration, s’intègre à différentes périodes historiques en allumant une vieille télévision, feuillète des quotidiens encore plus anciens ou encore interroge elle-même des personnages historiques et des experts actuels.

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Le dessin de Josh Neufeld (auteur de la saisissante bédé-documentaire A.D. La Nouvelle-Orléans après le déluge au sujet de l’après-Katrina) est sobre et efficace. Neufeld permet de donner vie à ce qui aurait pu simplement être un cours magistral sur l’histoire des médias et leur importance dans la société depuis plusieurs siècles. Il existe probablement très peu de livres dont le sous-titre est « Une histoire des médias » et qui est aussi agréable à lire que celui-ci.645571-extrait-de-la-bd-la-machine-a-influencer

L’argument principal de cet ouvrage est que « la machine médiatique est une illusion ». Gladstone tente de décrédibiliser les conspirationnistes, même si elle n’évite pas leurs arguments. En effet, elle décrit certaines anecdotes incriminantes, comme celle où un journaliste britannique publie un article sur la (fausse) victoire des anti-fascistes durant la guerre civile espagnole de 1936 pour tenter de retenir l’attention du monde, ou encore le discours du fondateur du New York Times en 1896 qui promet l’objectivité la plus totale de son journal… avant de définir l’objectivité comme l’opinion selon laquelle le gouvernement ne doit pas être trop présent et qu’il doit minimiser les impôts.

La confiance que Gladstone a dans sa thèse et sa connaissance (qui, et c’est une heureuse surprise, dépasse les frontières américaines) de l’histoire des médias, fait en sorte qu’elle assume l’existence des arguments qui la contredisent. Elle arrive à convaincre, par bien d’autres anecdotes, arguments et témoignages, que la liberté de presse existe encore et que si on ne la voit pas, c’est parce qu’on choisit ce qu’on veut bien consommer et se rappeler des médias.

Comme elle l’affirme si bien : « nous avons les médias que nous méritons ».

7,5/10

La Machine à influencer

Auteurs : Brooke Gladstone 
(scénario) Josh Neufeld (dessins)

Editeurs : Éditions Çà et Là (2014)

208 pages

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