Au cours des derniers mois, mes confrères Mathieu T et Danyrou ont présenté plusieurs livres culinaires comme Relish, My life in the Kitchen de Lucy Knisley ou Le Bestiaire des fruits de la Québécoise Zviane.
Faites cuire le Bestiaire de Zviane à la vapeur de Taniguchi. Ajoutez des épices de Kusumi au Relish de Knisley. Mélangez le tout et vous pourrez déguster les aventures du Gourmet Solitaire, qui donnent l’envie de voyager au Japon et se promener dans les rues de ses différentes villes pour y découvrir de nouvelles saveurs.
Le dessinateur Jirô Taniguchi est connu autant pour ses fresques de plein-air (Sky Hawk, Le Sommet des dieux) que ses œuvres contemplatives (Quartier Lointain, Le Promeneur). Grâce à son dessin à la fois limpide et très détaillé, les lecteurs auront l’impression de se perdre dans les rues de Tokyo, Osaka, Takasaki et Fujisawa. Tout comme le narrateur du livre qui, au hasard de ses rendez-vous professionnels et ses loisirs, déguste des plats typiques du pays et en donne des opinions variées.
Lorsque Taniguchi s’occupe autant du scénario que des dessins de ses mangas, il a parfois le défaut de développer des personnages trop proprets. Heureusement, Le Gourmet Solitaire est scénarisé par Masayuki Kusumi qui se permet de transformer notre gentil flâneur en une bibitte un peu plus sale et surtout, plus humaine.
Au détour d’une réflexion, il compare son plat préféré à la visite agréable d’un salon de massage (!). Dans un autre quartier, l’homme, perdu dans ses promenades gourmandes, est autant capable de grands moments de poésie (« le plat du jour, c’est le ciel bleu ») que d’admirer la posture d’une voisine de table. Parfois, il se trompe dans ses commandes et n’apprécie pas vraiment ce qu’il mange. Ces petits détails, ces imperfections rendent le personnage intéressant et permettent d’apprécier les grands moments de ce manga, comme celui où il s’intègre tant bien que mal à des habitués d’un bouiboui d’Osaka, ou encore lorsqu’il s’interroge sur le train de vie des clients d’un bistro qui sert de l’excellente cuisine et de l’alcool dès neuf heures le matin.
Durant mes voyages, je suis souvent tenté d’essayer plus de deux restaurants en une journée. Théoriquement, les longues marches entre les établissements me font perdre assez de calories pour justifier la consommation d’un deuxième gelatto florentin ou un troisième dulce de leche buenos-aérien. Vous l’aurez deviné, je reviens souvent de mes vacances avec de grands souvenirs gustatifs, un portefeuille vide et de nouveaux vêtements deux tailles plus larges qu’à l’aller.
Le Gourmet Solitaire m’a permis de découvrir à distance un autre pays et de me rassurer sur mes habitudes de voyageur. Ouf ! Je ne suis pas le seul à me comporter de cette façon ! Il reste à voir si Taniguchi et Kusumi écriront bientôt une suite, notamment pour expliquer comment garder une taille aussi svelte que celle du gourmet en suivant le même train de vie.
8/10
Le Gourmet
Auteurs : Masayuki Kusumi (scénario) Jirô Taniguchi (dessins)
Éditeur : Casterman (2013)
184 pages