Par Dany Rousseau :
C’est la Saint-Jean-Baptiste, mais la Fête nationale est peut-être compromise car on annonce une nouvelle tempête qui devrait laisser 40 cm de neige! Suite à un accident du réacteur nucléaire Gentilly-3 situé à Pointe-aux-Trembles, c’est l’hiver depuis neuf ans. Montréal est ensevelie sous plusieurs mètres de neige et certains quartiers au nord de la rue Jean-Talon sont laissés à l’abandon. Au delà de cette limite, la ville est devenu un désert blanc où peu de gens s’aventurent.
Flavie, la voluptueuse héroïne de la bédéiste Caroline Breault (alias Cab), semble plutôt bien s’accommoder de cette situation. Courrier en motoneige, elle veut dépanner une amie et collègue qui a rendez-vous avec un « prospect » de Québec, mais elle doit faire le deuil de son congé de la Saint-Jean afin de faire une livraison de bagels dans un appartement du Mile-End au coin de Waverly et Bernard, à la frontière de la zone déblayée. Arrivée chez son client à travers les rues enneigées seulement praticables en véhicule adapté, Flavie est surprise de tomber face à face avec le beau Marco qu’elle a remarqué plus tôt dans un resto. Icône du Mile-End branché post-catastrophe-écologique, Marco est le propriétaire de ce grand appartement qui sert de phare à la haute aristocratie « hipster » du quartier. Il organise ainsi chez lui sans interruption vernissages, lectures publiques et réceptions. Ses invités sont affalés partout sur les sofas, occupés à « twitter » et deviser sur les derniers potins. Pressée de terminer sa livraison, Flavie verra toutefois la situation se compliquer. En effet, alors que la copine capricieuse de Marco reçoit son bagel, elle crie au scandale : SON BAGEL CONTIENT DES OIGNONS! Elle oblige donc Flavie à retourner lui en chercher un sans oignon, malgré les risques que le blizzard annoncé fait planer une nouvelle fois sur la cité.
Publiée à l’origine sur la Toile (http://hivernucleaire.cabfolio.com/comic/ch1_p1/), Hiver nucléaire est une bande dessinée d’anticipation au final sympathique, quoique légère au point de vue du scénario. L’histoire est selon mes barèmes un peu adolescente. Le dessin par contre est magnifique et étonnement lumineux malgré l’enfer d’un hiver qui dure neuf ans. L’humour et le regard sarcastique de Cab sont brillants. J’ai aimé sa façon de me transporter dans un Montréal bien ancré dans le réel malgré les mutants qui peuplent la ville — radiations obligent. Cab multiplie habilement les références à des lieux et à des institutions que nous connaissons tous, mais présentés ici dans un univers qui nous est étranger. Les cases sont truffées de détails amusants qui nous réservent de nombreuses surprises et de bon gags. Montréal devient chez Cab un personnage à part entière qu’il est agréable de redécouvrir au fil des 81 pages.
En terminant Hiver nucléaire on se dit que ce n’était heureusement que de la fiction. Le moment on nous porterons nos parkas et nos tuques en juillet s’avère improbable. Après la catastrophe de Fukushima, qui permettrait aujourd’hui la construction d’un réacteur sur l’ile de Montréal? Et quoi encore? Autant permettre la construction d’un port pétrolier dans une pouponnière de bélugas…
7.5/10
Hiver nucléaire
Auteur : Cab
Éditeur : Front Froid (2014)
96 pages