Par Dany Rousseau
Le retour des Fêtes est difficile ? Même si vous avez évité l’épidémie de grippe ou de gastro, la course aux excès de tourtière et d’alcool vous laisse le ventre gonflé et la tête lourde ? Je vous proposerai donc en ce froid début d’année une tisane à la camomille, votre fauteuil le plus confortable, une couette sur vos épaules et mes lectures du temps des Fêtes. Mes choix sont éclectiques, ne comptent pas de chef-d’œuvre, mais les bédés dont je vous parlerai ici sont toutes intrigantes et nous réservent de beaux moments.
Human Target Volume II
Voilà la suite et la fin de la saga de Peter Miligane dont nous avions critiqué le Volume I en octobre. Ce deuxième volet propose la continuité des aventures de Christopher Chance, toujours embourbé dans une crise d’identité qu’il tente de régler en se perdant dans la peau d’un prêtre louche, un passeur mexicain ou un ancien militant d’extrême gauche. Il cherche toujours désespérément la paix intérieure qu’il trouvera heureusement dans les bras de Mary White que nous avions connue dans l’épisode Clap de la fin. Retrouvant cette dernière à L.A., il espère construire quelque chose d’authentique pour la première fois de sa vie. Cependant, son métier peu commun de « cible humaine » ne facilitera pas sa vie matrimoniale.
Outre les excès de violences et les invraisemblances assumées, ce qui reste vraiment intéressant dans cet ultime opus est sans contredit le retour de Tom McFadden, l’élève de Christopher Chance que nous avions perdu de vu. Troublé, brisé sous la pression de son métier, confus psychologiquement, McFadden revient régler ses comptes avec Chance et clos la série de façon inattendue. Human Target, malgré quelques défauts, est un excellent remède pour oublier la dépression hivernale et les factures trop salées des Fêtes.
Human Target II
auteurs: Peter Milligan (scénariste) Cliff Chiang – Javier Pulido – Cameron Stewart (dessins)
Urban Comics (2014)
Northlander Volume 2 Le livre islandais
Quelle belle surprise ! Je me suis régalé en lisant cette saga islandaise scénarisée par l’américain Brian Wood et appuyée par plusieurs dessinateurs, dont la montréalaise d’adoption Becky Cloonan. Ma lecture a débuté sans grand enthousiasme, m’attendant à un ennuyeux mélange de fantaisie et de magie, mais mon apriori a complètement disparu lorsque j’ai découvert au contraire une bédé passionnante et quasi-documentaire. Northlander reste évidemment un récit de fiction, mais qui s’appuie sur des bases historiques solides. En racontant la colonisation de l’Islande de 871 à 1260 (apr. J.-C.), j’irais même à dire que cette bande dessinée pourrait s’avérer une bonne introduction à des travaux plus sérieux sur la question viking. La trilogie islandaise, la plus longue histoire de ce pavé, raconte les péripéties des Haukersson qui s’opposent aux Belgarsson sur quinze générations. À travers cette rivalité clanique, plusieurs aspects de la culture islandaise nous sont présentés : la difficile mise en valeur d’une terre ingrate, la connaissance d’une population constituée d’homme libre mettant de l’avant des valeurs démocratiques, les luttes de pouvoirs, la christianisation, etc. Le scénario bien ficelé nous plonge au cœur d’un fascinant Far West scandinave.
Northlanders; t.2 Le livre islandais
Auteur: Brian Wood
Urban Comics (2014)
Fatale
Adaptation par Max Cabanes du roman policier de Jean-Patrick Manchette publié en 1977, Fatale débute par une partie de chasse. Un gras bon petit bourgeois voit surgir de la forêt une femme qu’il semble connaître. Sans répondre aux nombreuses questions de l’homme interloqué, elle l’abat à bout portant. Dès lors, nous sommes entrainés dans la vie étrange de cette femme charismatique au sex-appeal glacial qui, son forfait accompli, change d’apparence, prend une autre identité et s’installe dans la petite bourgade portuaire de Bléville. Que veut cette créature fatale qui s’appelle maintenant Aimée Joubert, jeune veuve richissime, cherchant une demeure digne de son statut ? Pendant que le tout Bléville croit à son histoire, mademoiselle s’intègre à la bonne société. Après avoir compris ce milieu bourgeois refermé sur lui même, rongé par ses amertumes et ses jeux de pouvoirs vains, nous saisissons assez tôt les objectifs qui motivent la nouvelle blévilloise. Toutefois, notre espoir de lecteur que le fond de l’histoire de ce polar nous jette par terre est au final un peu malmené. Heureusement, il y a le dessin magistral de Cabanes qui étend un baume sur les questions brûlantes que l’intrigue laisse sans réponse.
Fatales
Auteurs: Jean-Patrick Manchette (scénariste) Max Cabanes (dessin)
Dupuis Air Libre
Monolinguiste & Psychanalyse
C’est tout simple. Une case qui se répète (itération iconique), un dessin grossier, souvent ne laissant voir que le haut d’un personnage caricatural, des dialogues drôlement brillants. On se réjouie, on rigole, bref un Lewis Trondheim de la belle époque. Monolinguiste & Psychanalyse, réédition d’un album rare, était presque disparu hors des réseaux de collectionneurs un peu geek. Mine de rien, c’est une page d’histoire que nous offrent les éditions de l’Association. De retour à la surface, cet album fut d’abord publié en fascicule dans deux fanzines (ACCI H3319 et Labo) à la fin des années 80. Par la suite, Psychanalyse fut publié en album avec sa partie augmentée, Monolinguiste, chez Lézard en 1992. Pièce maîtresse du courant minimaliste de la nouvelle bande dessinée, les longs gags verbeux, les histoires absurdes, l’ironie mur à mur nous rappellent pourquoi nous aimons Trondheim. Il nous ravit lorsqu’il nous fait passer en un clin d’œil de l’humour métaphysique à la grosse blague pipi-caca. À lire ou relire sans modération.
Monolinguiste & Psychanalyse
auteurs: Lewis Tronhdeim
L’Association (2014)
Super-Vilains Anthologie : Les plus grandes menaces de l’univers DC
Urban Comics continu ici son travail documentaire sur l’univers DC. Après des recueils comme DC Comics Anthologie et Jocker Anthologie, la maison d’édition française qui a repris les droits en français de DC et Vertigo, nous offre depuis novembre Super-Vilains Anthologie. Vingt récits échelonnés sur plus de soixante-dix ans d’aventures (1939-2014) retracent l’histoire des principaux super-vilains qui ont fait les belles années de DC et causé tant de maux de tête à Superman, Batman et les autres. Divisé en trois parties, 1938 à 1955, 1956 à 1985 et 1986 à aujourd’hui, le bouquin suit l’évolution et les changements éditoriaux de la littérature super héroïque. Si la première époque est basée sur les combats et les affrontements de forces pures, nous suivons tout le chemin parcouru au cours des générations de scénaristes et de dessinateurs subséquents qui ont tenté d’approfondir l’univers DC. Le raffinement psychologique des intrigues et des personnages lors des années 70 et 80 contribueront à changer complètement le lectorat qui devient plus âgé et plus scolarisé. Bien contextualisé à l’aide de textes informatifs, cette anthologie est un cours accéléré sur le genre. À lire pour tous les amateurs de super-pouvoirs et d’icônes populaires nord-américaines.
Super-Vilains Anthologie : Les plus grandes menaces de l’univers DC
Collectif
Urban Comics (2014)
Bonne lecture!