
par Pedro Tambièn
À quand remonte la dernière fois que vous avez eu réellement peur, à un point tel qu’un interminable frisson vous a parcouru le dos et que vous n’avez pas osé regarder sous la table, sous le lit, dans les coins obscurs de votre appartement pour ne pas découvrir l’objet de votre répulsion ?
Comparable à Danse Macabre de Stephen King, Through The Woods, ce sublime recueil de nouvelles graphiques de l’Ontarienne Emily Carroll dont toute la planète anglo parle, des Américains de NPR au Guardian de Londres, provoquera en vous ce tremblement primal.
Après en avoir survolé quelques extraits, je me suis précipité pour acheter un exemplaire. J’ai regretté mon geste tellement j’ai eu du mal à dormir paisiblement les nuits qui ont suivi ma lecture.
Le recueil débute avec un chapitre vraisemblablement autobiographique. L’auteure, Emily, se rappelle les soirées de son enfance où, avant de se coucher, elle se plaisait à lire des livres dans sa chambre grâce à une petite lampe accrochée à son lit. Autour d’elle, c’était le cruel noir infini. Son souvenir est marqué par la frayeur qu’il arrive quelque chose de monstrueux si sa petite main dépassait l’interrupteur de sa lampe et tombait dans l’obscurité.
L’histoire s’arrête là. On reste sur notre faim et, surtout, on s’imagine les pires choses possibles. On n’ose plus fermer le livre, ni éteindre la lumière.
Toutes les autres nouvelles du livre utilisent le même procédé horrifique. On sent qu’elles finiront toutes mal, mais Emily Carroll ne nous montre jamais la fin et nous laisse prisonnier du moment d’angoisse où on comprend que les protagonistes ne vont probablement jamais survivre.

Le dessin et les couleurs, dont le style varie pour mieux servir les différentes nouvelles, sont de haute voltige. Ici, ce qui semble être une pleine lune vue d’une fenêtre sur une page s’avère, à la page suivante, être un des deux yeux d’un gigantesque et monstrueux loup qui observe le chaperon rouge dans son lit. Ailleurs, la présence d’un monstre aux minuscules mais nombreuses tentacules est accentuée par le contraste de ses couleurs très vives avec celles, très naturelles, de la forêt qu’une fille infirme explore. Dans une autre histoire, les phylactères prennent une apparence envahissante, malsaine, fantômatique.
Si vous appréciez les bédés ou les films d’horreur, ou encore si vous avez la nostalgie des recueils d’Edgar Allan Poe ou HP Lovecraft, Through The Woods est le chef-d’oeuvre bédéesque que vous attendiez.
9/10
Through The Woods
Auteur : Emily Carroll
Éditeur : Margaret K. McElderry Books (2014)
208 pages
D’autres web-comics d’Emily Carrol sont disponibles sur : http://www.emcarroll.com/