Julie Delporte bicéphale

Publié par

par Pedro Tambièn

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source : Journal, éd. L’Agrume, 2014.

« Depuis que tu es parti, je dessine tous les jours »

Julie Delporte est une Française vivant à Montréal depuis 10 ans. Elle s’est fait connaître avec la publication de Je suis un raton laveur, un livre pour enfants publié par (feu) La Courte Échelle.

Récemment, elle a publié deux romans graphiques de type journal intime mais qui vont dans des directions différentes : Journal : Février 2011 – Octobre 2012 chez L’Agrume et Everywhere Antennas chez Drawn & Quarterly.

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source : Journal, éd. L’Agrume, 2014.

Dans son Journal, Delporte parle de sa séparation. Le thème n’est pas facile d’approche, mais elle nous plonge complètement dans son univers et l’intimité de sa relation. Il y a un côté enfantin dû aux dessins de crayons de couleur qui contraste avec la tristesse ambiante du livre. La méthode narrative est très libre, même si son esprit reste longtemps bloqué devant l’échec de cette relation amoureuse.

On voit la marque d’un ruban adhésif sur certaines pages comme si des bouts avaient été rafistolés. L’auteure change aussi de crayons de couleur pour certains mots ou pour certains jours, dépendamment de son humeur. Même les notes légales au début du livre semblent rédigées à la main vraisemblablement par Julie Delporte elle-même.

Ce Journal paraît exclusivement destiné à son ex. Elle tente de parler d’autre chose, mais n’y arrive pas réellement. Nous sommes déjà dans la deuxième moitié du récit lorsqu’elle écrit : « Je voudrais arrêter de m’adresser à toi dans ce journal ». Nous sommes tous déjà passés par cette étape (et probablement plus d’une fois) où, même si nous n’écrivons pas ni ne dessinons un journal de la même trempe que celui-là, nous parlons encore, en notre for intérieur, à une personne qui nous a marqué mais avec qui il fallait couper les ponts. Ce sentiment universel, mais si difficile à reproduire sur papier, est réussi dans cet opus. Si vous passez par une séparation, ou vous n’en avez pas encore fait le deuil, ce livre peut servir de catharsis.

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source : Everywhere Antennas, éd. D&Q, 2014.

Son autre roman graphique paru récemment, Everywhere Antennas, a été écrit en français, mais n’est pas encore publié dans cette langue. Après avoir été traduit en anglais, il a été ré-écrit à la main, probablement encore par Delporte elle-même.

On y suit une autre personne qui tient elle aussi un journal. La narratrice est sur le point de laisser tomber ses projets d’études et d’amour à cause de ses migraines incessantes. Elle découvre peu à peu qu’elle est électrosensible et qu’elle ne se sent bien qu’à la campagne.

Ce journal semble plus éthéré, plus fantaisiste que celui de la séparation. Il y a un interlude qui ressemble plus à une bédé indie, avec une histoire en noir et blanc et un personnage qui a une tête d’animal. Les autres entrées du journal prennent parfois la forme d’un haiku et sont plus artisanales que dans le journal de la séparation.

Les deux livres sont réussis et même s’ils conservent la même forme, sont loin d’être répétitifs. Espérons qu’Everywhere Antennas sortira bientôt dans sa langue originale !

8/10

Journal : février 2011 – octobre 2012

éditeur : L’agrume (2014)

192 pages

 

7/10

Everywhere Antennas

éditeur : Drawn & Quarterly [2014]

112 pages

 

Scénario, dessin, ruban adhésif, lettrage, coloriage, bref tout : Julie Delporte

 

 

 

 

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