
par Dany Rousseau
Ce qui frappe immédiatement en feuilletant la bande dessinée de Barbara Stock, Vincent, c’est le dessin. La couverture, intitulée simplement du prénom du personnage que l’on reconnait d’un coup d’oeil, annonce le jeu. La ligne on ne peut plus claire, les décors minimes et les couleurs vives nous font presque croire à une biographie de Vincent Van Gogh réalisée pour les enfants. Pourtant, cette apparente simplicité ne berne personne. Rapidement on se rend compte que même si la bédéiste néerlandaise – appuyée par le « Van Gogh Museum » – a choisi une approche graphiquement minimaliste, elle réussit à mettre en dessin l’âme complexe et torturée de l’artiste maudit. L’histoire de Van Gogh qui fut de nombreuses fois racontée trouve ainsi un second souffle et une nouvelle pertinence.
Vincent débute en 1888, trois ans avant sa mort. À cette époque, l’artiste qui peine à percer a décidé de quitter Paris pour trouver l’inspiration dans la cité d’Arles. Brulé par l’absinthe et la fatigue, de moins en moins stable psychologiquement, Van Gogh croit que la lumière de Provence l’aidera à se réinventer et affirmer son penchant impressionniste. Les bleus, les jaunes et les orangers qui l’inspirèrent tant sont dominants tout au long de la bande dessinée. Stok, à l’image de son graphisme, ne fait pas d’esbroufe avec le récit. Les dialogues simples alternent avec de longs extraits de lettres authentiques tirés de l’immense correspondance du peintre avec son frère Théo (plus de 600 lettres).

Stok illustre d’une façon lumineuse le quotidien de l’artiste qui s’intègre lentement à son nouveau milieu en se liant d’amitié avec la famille du facteur Roulin, en fréquentant les prostitués et peintres de passages et en créant de manière intense passant de nombreuses heures assis à son chevalet. Même si l’on assiste à la création de plusieurs œuvres majeures de Van Gogh à cette époque – qu’il envoie à mesure à son frère pour qu’il les vende —, nous sommes du même coup les malheureux témoins des crises d’anxiétés et de délires de l’artiste qui se font de plus en plus fréquentes. On le sent glisser lentement vers la maladie mentale. Le rêve de créer une résidence d’artiste à Arles, où chacun vivrait en communion artistique, l’obsède de plus en plus. L’attente et la venue de son ami Gauguin nous portent vers un malaise réel. Encore une fois, malgré un dessin presque naïf, Stok nous fait vivre avec émotions les confrontations entre la folie de Van Gogh et l’incompréhension de Gauguin. Le tout se terminera comme tout le monde le sait par le départ de Gauguin et la crise de démence de Vincent qui se coupera l’oreille. Stok nous amène mine de rien à la dernière demeure de l’artiste à l’asile d’Auvers-sur-Oise près de Paris où il est interné volontairement et où il terminera ses jours. Stok offre ici une leçon de synthèse où l’essentiel est traité avec simplicité.
Que ce soit pour les amateurs du peintre ou les néophytes, cette bande dessinée est hautement émouvante. Nous refermons le livre en ayant vraiment l’impression d’avoir fait une véritable rencontre avec un artiste et son art.
8/10
Vincent
Auteur : Barbara Stok
Éditeur : EP Éditions (2015)
141 pages