Par Dany Rousseau
Jean-Dominic Leduc est un acteur important dans l’univers de la bande dessinée québécoise depuis quelques années. Chroniqueur très actif dans plusieurs médias (Journal de Montréal, Viva, Les Libraires) coauteur avec Michel Viau du très bel album Les années Croc paru en 2013 chez Québec-Amérique, il est aussi le fondateur de la maison d’édition Mem9ire créé en 2013. Par le biais de la plateforme web Mem9ire.ca, l’éditeur crée un espace de réflexion, de promotion et d’éducation à la bande dessinée. L’amateur a donc accès sur le site à un calendrier hebdomadaire des évènements reliés à la bédé québécoise, à des entretiens avec des intervenants du neuvième art en baladodiffusion et à la publication d’ouvrage de référence.
Mem9ire.ca étant en constante évolution, le site offre, depuis mars dernier, le trimestriel Sentinelle consacré à la réflexion, à l’histoire, aux artisans et à l’analyse d’œuvres québécoises. Pour ce numéro inaugural de soixante-dix pages, Leduc et ses collaborateurs n’ont rien ménagé en nous offrant des articles de grande qualité. Nous pouvons y lire, entre autres choses, un bilan 2014 sur l’industrie de la bande dessinée québécoise de Michel Viau (professeur d’histoire de la bande dessinée à l’Université du Québec en Outaouais); un fascinant article de Raymond Poirier (chroniqueur bédé au Voir.ca) sur le socio-financement; un portrait touchant de Leduc du bédéiste Jocelyn Houde, décédé après la publication de l’excellent Les derniers corsaires (La Pastèque, 2007); un épeurant papier de Robert Laplante (journaliste et chroniqueur) portant sur les comics d’horreurs des années 50 à 70 qui inspireront toute une génération de créateurs de George Lucas à Stephen King. Stimulante, Sentinelle est une publication qui deviendra vite essentielle si elle continue dans cette veine.
Le grand lancement de Sentinelle ne s’est pas fait seul; je mentionne aussi la création de la collection Chronographe. Dirigée par Michel Viau, cette collection propose, en format numérique exclusivement, des albums inédits de séries anciennes et des rééditions d’ouvrages depuis longtemps épuisés. Toutes accompagnées de textes de contextualisations, ces bédés appartiennent à un fonds d’archive qui serait sans doute disparu n’eut été des efforts de Leduc et de son compère Viau. En remettant au goût du jour ce trésor patrimonial, c’est toute la mémoire d’une bande dessinée nationale qui est ressuscitée. La première fournée de Chronographe est constituée de cinq titres dont En roulant ma boule de Raoul Barré publié en album en 1901 et l’adaptation du roman de Philippe Aubert de Gaspé Les Anciens canadiens par Jean-Maurice Massicotte, publiée en 1936-1937dans l’Action catholique de Québec.
Je ne sais pas si ces deux nouvelles offres de mem9oire.ca trouveront un grand écho chez le bédéphile moyen. Cependant, la naissance d’une revue savante ayant pour sujet la bande dessinée et la mise en valeur d’un patrimoine perdu permettront à la bande dessinée québécoise de se construire un véritable bagage théorique et historique et de gagner en maturité et en légitimité.
–Sentinelle est vendue au prix de 12 $ en version papier et 8 $ en version numérique.
-Chaque exemplaire des bédés du Chronographe est vendu à un prix fort raisonnable variant de 2$ à 5$ en version numérique.