
par Mathieu T
À chaque été, Mustapha amène sa famille en vacances dans un petit appartement dans le sud du Liban, un pays qu’il a quitté depuis plus de 20 ans pour la France. Cette fois, il laisse à la maison Gabriel l’aîné qui doit les rejoindre quelques semaines plus tard. Une histoire banale. Mais nous sommes en 2006 et l’armée israélienne, pour condamner les gestes du Hezbollah, décide de pilonner le Liban. Les vacances tournent à l’horreur.
L’histoire commence doucement par une scène amusante d’au-revoir dans un aéroport. Puis, la page suivante, des chars d’assaut, symbole que la mort, appelons-la ainsi, frappe toujours sans avertissement. Les auteurs alterneront judicieusement tout au long de l’album, entre ces scènes bon enfant et celles, dramatiques, pleine de sueur et le sang.
D’un côté, Gabriel, bien installé dans une luxueuse villa en France, dont l’insouciante jeunesse se transformera en véritable inquiétude quant au sort de sa famille, et de l’autre, Mustapha et sa troupe, coincés dans une ville bombardée (Tyr), à l’affut de moindre signe pour retourner en Europe.
Entre les deux mondes, Joseph Safieddine explore minutieusement le tableau humain, très personnel : les liens familiaux parfois fragiles, les amis dévoués, la parole si importante, la peur omniprésente.

Devant une situation aussi complexe qu’est l’histoire du Liban, l’auteur ne cherche pas de coupable. Au contraire, il y a autant de points de vue sur la question que d’individu (du plus radical au plus détaché) et dans le quotidien, les gens veulent tout simplement vivre heureux. Est-ce la position officielle de l’auteur ? Je serai tenté de le croire. Rappelons tout de même que l’auteur s’est déjà retrouvé dans la peau de Gabriel.
Le dessin semi-réaliste de Kyungeun Park colle bien au récit, lui donnant à la fois un sérieux légitime tout en lui permettant de construire de très belles scènes d’amitié. L’ambiance de chaleur et de beauté malgré la guerre est parfaitement rendue.
C’est un album lent, d’attente, de discussions, qui dévoile peu à peu ce que l’être humain possède en lui, ce qu’il croit et ce qu’il croit croire.
8,5/10
Yallah Bye
Auteurs : Joseph Safieddine (scénario) Kyungeun Park (dessins)
Éditeur : Le Lombard (2015)
168 pages