Par Dany Rousseau:

Dire que les récits post-apocalyptiques abondent en masse dans la culture populaire contemporaine serait un euphémisme. La sauce semble étirée à son extrême limite pour les histoires de survivant près à tout pour sauver leur peau et celle de leur famille dans un monde envahie par les zombies, décimé par une pandémie ou frappée d’une catastrophe nucléaire. Lorsque j’ai reçu Le reste du monde (Casterman) de Jean-Christophe Chauzy, j’ai compris tout le défi auquel le prolifique auteur s’attaquait. Il devait, sans réinventer le truc, nous accrocher avec originalité.
Au premier abord, la version « survivor » magnifiquement illustrée par Chauzy est réussie. L’histoire se déroulant dans le décor bucolique des Pyrénées constitue un bon point de départ. À la veille du retour à Paris pour la rentrée, Marie, une enseignante quadragénaire s’étant récemment fait plaquée par son mari, séjourne en montagne avec ses deux jeunes garçons de 8 et 10 ans. Après plusieurs semaines à ravaler sa peine, elle va au village pour laisser Hugo et Jules à des amis afin de faire le ménage du chalet et essayer de mettre un peu d’ordre dans sa tête.

Le programme sera toutefois bouleversé alors qu’un orage hors norme suivie d’une série de séismes cause destructions et pertes de vie partout dans la région. Marie récupère en catastrophe ses enfants et tente d’atteindre la ville de Soulan où elle espère trouver de l’aide. Malheureusement celle-ci n’arrive pas. La petite ville est complètement isolée par les torrents et les éboulements. Avec tous les réfugiés qui arrivent des quatre coins de la région et un approvisionnement déficient, le rationnement devient vite de rigueur. Les gendarmes de la petite commune en ont plein le bras et la grogne s’installe. Le verni social craque rapidement et le chacun pour soi devient loi lorsque l’on a faim. Marie la petite institutrice devra faire comme les autres et s’assurer de protéger et nourrir ses enfants.
Le dessin de Chauzy est superbe. L’idée de déployer cette étrange catastrophe naturelle en France est une très bonne idée. Le récit est haletant et accrocheur. On se questionne toutefois sur les raisons de l’absence de secours. La catastrophe a-t-elle atteint la planète au complet ? Si le récit tient la route jusqu’au trois quart du livre, la suite dérape grandement.

La frontière est toujours mince entre le réalisme, même dans un contexte de fiction-catastrophe, et le n’importe quoi. On nous a servi trop souvent le thème de gens ordinaires affamés qui deviennent des bêtes sauvages et il est traité chez Chauzy sans grande originalité. Je dirais même de façon presque bâclée. Que Marie devienne magouilleuse dans un tel contexte, ça va. Mais lorsqu’elle devient le chef d’un gang de pilleurs composé de trois redoutables enfants âgés entre 7 à 12 ans qui force un couple de vieillards à donner leur dernier pain, lorsque ce même gang fonce en camion sur un barrage policier en tirant sur tout ce qui bouge, je débarque. Le reste du monde en est à son premier tome. Espérons que l’auteur récupèrera au vol ce qui semble bien mal engagé « pour la suite du monde ».
5.5/10
Le reste du monde
Auteur : Jean-Christophe Chauzy
Casterman (2015)
110 pages