
par Mathieu T
Il y a des bédés qui sont faciles à critiquer. J’aime, je n’aime pas et un grand rien entre les deux. Tac. Jugement. D’autres, la majorité fort heureusement, demande un travail clérical précis pour en extirper tout le jus et parfois, le lecteur peut presser le citron longtemps avant d’avoir la première goutte.
Ce Ping Pong nouvelle mouture est restée des semaines un mystère, non pas par son opacité (Zviane est au contraire une scénariste très agréable à lire), mais par ma prise de position critique : est-ce un bon livre ou non ?
Vous connaissez certainement l’histoire. À la base un blogue, Ping Pong fut autopublié une première fois par Zviane en 2014. Elle ressort le truc un an plus tard, annoté et accompagné de vignettes de quelques pages de collègues réagissant à certaines histoires.
Quoi faire avec ce bouquin ? Comment démêler le fatras que constitue l’intérieur de ma tête ?
Commençons par le négatif. Je l’ai déjà mentionné dans une autre chronique, j’ai de la difficulté avec les blogues mis en livre ; ils ne sont pas faits pour être lu ainsi et il y a une certaine paresse à l’exercice. Je ne vais pas plus loin.
Le sujet du livre n’est lui-même pas une nouveauté. Lecteur de Zviane de la première heure, j’ai tout goûté et je suis amplement au courant du dualisme fondamental qui alimente sa force créatrice, soit son amour bipolaire entre la musique et la bédé. J’avais nettement l’impression qu’elle avait fait le tour de la question avec La plus jolie fin du monde et Le quart de millimètre.

Ce type de livre propose une lecture en discontinue ; il faut avoir le goût de grignoter quelques pages le soir sans être nécessairement obsédé par ce qui va suivre.
Par contre, la pensée de Zviane a évolué, elle est plus riche, moins naïve, plus assumée et Ping Pong nous offre carrément une ontologie zviannienne allumée et stimulante (oui, je sais, ce point contredit mon argument susmentionné. Mêlé, je vous dis).
Ping Pong est la présentation de cette relance entre les différents modes d’appréhension du monde comme les arts ou la science. Sans s’en rendre compte (un peu quand même), elle théorise habilement et sans douleur cette discussion interdisciplinaire. Une bédé épistémologique finalement ?
Mais toute la justesse de Ping Pong réside dans le concept assez simple de présenter une version annotée où l’original est en noir et les ajouts en vert, ce qui accentue encore plus cette relance entre le passé (la Zviane de 2014 et moins) et le présent (la Zviane de 2015). Davantage, les interventions de ses collègues (pertinente dans certains cas – Jimmy Beaulieu – et moins dans d’autres – Yves Pelletier) ajoute cette couche collaborative entre les différente parties d’un tout que la bédéiste s’évertue à joliment déchiffrer.
Vivante, bouillonnante de culture et de folie, une lecture où il faut se casser la tête à propos de quelqu’un qui se casse la tête.
Finalement, ça passe.
8,5/10
Ping Pong (version commentée)
Auteur : Zviane accompagné d’un collectif
Éditeur : Pow Pow et la license Creative Commons (2015)
226 pages