Paul dans le Nord

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Par Dany Rousseau

La Pastèque (2015) Rabagliati
La Pastèque (2015) Rabagliati

Comme disait l’adage, l’automne sera « paulesque » ou ne sera pas. Après la sortie au cinéma de l’adaptation de Paul à Québec en septembre, les couleurs d’octobre annoncent le grand retour de Paul en version papier. Le dernier opus de Michel Rabagliati Paul dans le Nord (La Pastèque) arrive en librairie après quatre années d’une longue attente, la dernière publication remontant à 2011. Un Paul nouveau est toujours un évènement et une occasion de constater comment le bédéiste aura contribué à faire passer la bande dessinée québécoise de la confidentialité à sa grande popularité actuelle.

Dans Paul dans le Nord, nous retrouvons notre héros au milieu des années soixante-dix à l’âge de 16 ans en pleine crise d’adolescence, débordant d’hormones et à la croisée des chemins. Ses parents ont déménagé à Saint-Léonard après une vie passée à Rosemont. Il doit donc changer de polyvalente et se constituer de nouveaux repères. Comme si ce n’était pas assez, son père tient à construire le chalet familial avec son fils qui n’y trouve aucun intérêt. Situé à Saint-Sauveur, au nord de Montréal, le chalet des Rifiorati (le nom de famille du héros!) dépeint bien le phénomène de ces familles de la classe moyenne montréalaise qui ont fait l’acquisition d’un terrain au cœur des Laurentides rurales à cette époque pré-étalement urbain. Révolté, Paul se cherche et vit un conflit intergénérationnel avec ses parents. La seule chose qui semble le motiver est son rêve d’acheter une Kawasaki KE100 avec son argent de poche qu’il amasse en tondant des pelouses pour son oncle paysagiste.

La Pastèque (2015) Rabagliati
La Pastèque (2015) Rabagliati

En entrant dans sa nouvelle école, Paul rencontrera Ti-Marc, un grand maigre, drôle et intelligent qui initiera son nouvel ami au rock québécois des groupes Octobre, Offenbach, Beau Dommage et du trop méconnu groupe de Lucien Francoeur, Aut’chose, et leur super tube « Nancy Beaudoin ». Avec Ti-Marc, le lecteur entre aussi dans l’intimité des conversations d’adolescents qui passent de longues soirées à parler uniquement de trois sujets : les moteurs, le sport (le hockey en hiver, le baseball en été) et les filles.

La Pastèque (2015) Rabagliati
La Pastèque (2015) Rabagliati

Durant le récit qui s’étire sur une année, Paul vivra différentes expériences qui nous donneront l’impression de déjà-vu avec notre propre vie, comme un voyage sur le pouce mal préparé à Mont-Laurier en hiver, la première cuite, la première visite aux danseuses, le premier joint, le premier amour, la première peine d’amour. 1976 est une grosse année pour notre héros et pour Montréal. Tout au long de l’histoire, nous suivons en filigrane la préparation des Jeux olympiques. À la télévision ou à la radio, du conflit de travail sur le chantier du stade à la note parfaite de Nadia Comãneci, les jeux sont toujours présents.

Les albums de Paul, c’est toujours un peu ça; des tranches de vie que nous avons tous déjà vécues. Réconfortant comme un gros macaroni au fromage un soir de janvier, Paul c’est rigolo, touchant et évocateur de la condition humaine sans jamais sombrer dans le bon sentiment ou le cucul. À mon avis, tout le génie de Michel Rabagliati est là. À chaque nouvelle sortie annoncée, je me dis toujours qu’on a peut-être fait le tour du gentil et sensible garçon, mais à chaque fois je me fais avoir. La mécanique paulienne est encore bien huilée; Rabagliati vise juste et la magie opère. Un bon scénario, Montréal mis en scène comme un personnage à part entière, un brin de nostalgie, des clins d’oeil référentiels, une suite de petites histoires anecdotiques et voilà! J’ajouterais que Paul dans le Nord est probablement le meilleur album de la série; pour son humour, pour ce Paul adolescent que l’on ne connaissait pas sous ce jour, pour ses illustrations de blizzard dans la forêt des Hautes-Laurentides, pour la présence du groupe Garolou (Lougarou).

La Pastèque (2015) Rabagliati
La Pastèque (2015) Rabagliati

Si, comme Rabagliati l’a laissé entendre sur plusieurs tribunes, le cycle Paul s’achève sur cet opus, on pourra affirmer que son personnage aux gros sourcils quitte par la grande porte.

9/10

 

Paul dans le Nord

Auteur : Michel Rabagliati

Éditeur : La Pastèque (2015)

184 pages

 

 

6 commentaires

  1. J’ai bien hâte de lire ce nouveau tome de Paul. Je dois beaucoup à ce personnage qui m’a fait entré dans la bande dessinée et m’a fait découvrir qu’il y avait d’autres choses que les Comics américain ou la bande dessinée française!

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  2. Je suis vraiment mal placé pour commenter l’oeuvre de Michel Rabagliati, car je suis un père admiratif de son travail, de lui-même, et de tout ce qu’il touche pour le transformer en quelque chose de beau. Je le regarde avancer dans la vie, sa vie à lui, en pensant que rien n’est fini, et que si ce ne sont pas des Paul qui nous feront réfléchir, rigoler, penser à autre chose que nous-mêmes, il y aura définitivement autres choses qui feront le même effet.

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      1. Oncle Mike, je viens juste de voir votre réponse à votre père et je devine l’histoire derrière cet échange qui me touche. Merci pour votre commentaire.

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      2. Mon père m’appelait aussi son fisseque. Mais je me suis toujours demandé d’où cette expression venait?

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