
par Mathieu T
Avant de m’attaquer au travail de Michel Falardeau, je voudrais glisser un mot sur Glénat Québec. Glénat, un géant dans le monde de la bande dessinée (leur catalogue comprend aussi Vent d’ouest et Zenda), est né en 1969. En 2007, la maison mère décide de lancer Glénat Québec pour favoriser la publication de bédéistes québécois au Canada et en Europe. La branche est dirigée par le Québécois Christian Chevrier et comprend, entre autres choses, plusieurs albums de Philippe Girard et de François Lapierre. D’ailleurs, l’excellent French Kiss 1986 de Falardeau (2012) est aussi l’œuvre de Glénat Québec.
J’ai toujours considéré Michel Falardeau comme un électron libre. J’ai été grandement impressionné par les trois tomes de Mertownville (2005-2007), pas sans défaut certes, mais tout plein de fraîcheur et de franchise, loin des produits formatés qui trônent sur les tablettes des librairies. Le bonhomme donne l’impression qu’il travaille sans restriction et Le domaine Grisloire en rajoute une couche.
Il y a deux ans, Noah, un joli brin de fille, a disparu une nuit alors qu’elle campait avec des copains. Retrouvée le lendemain ensanglantée et à 35 km du campement, elle n’a aucun souvenir du drame sinon des cauchemars récurrents. Obsédée par l’événement qui la dévore de l’intérieur, elle tente d’en savoir plus. Mais à quel prix ?
Il est toujours difficile d’évaluer pleinement un scénario tiré du premier album d’une série. Récit fantastico-réaliste à l’intrigue mystérieuse, personnages bien construits, finale accrocheuse, Falardeau réussit le pari de nous mener à la dernière page sans nous ennuyer par un fastidieux placement des éléments de base. Il faut dire que Falardeau possède un don pour développer des héroïnes complexes, fortes et fragiles à la fois (un peu comme Miyazaki, tiens) et Noah n’échappe pas à cette règle.

Parfois les dialogues sonnent un peu faux, mais, et c’est une considération bien personnelle, il est très difficile de choisir le juste mot sans l’entendre (comme au cinéma) ou l’imaginer (comme dans un roman). La langue orale reproduite à l’écrit (un écrit appuyé par des images en plus) est un art extrêmement ardu. Autre remarque : pourquoi un titre en anglais qui, par sa nature même, n’ajoute rien à la compréhension générale ?
Michel Falardeau possède un style de dessin très « école de la ligne mince » (c’est de moi ça), qui lui permet de créer des cases très mouvementées même si le sujet est calme. Elles respirent la vie. Les séances de rêve sont aussi remarquables, fortement détaillées et à juste titre, effrayantes. Davantage, Falardeau fait bien ressortir tout le côté moyenâgeux de la ville de Québec qui sied bien à l’histoire.
Un premier tome bien assumé qui nous donne envie de lire la suite.*
8/10
* = Le deuxième tome, La fille qui explose, arrivera bientôt en librairie.
Le domaine Grisloire tome 1 – If only everything
Auteur : Michel Falardeau
Éditeur : Glénat Québec (2015)
48 pages