Panier à critiques VII

Publié par

par Mathieu T

-À lire, relire et relire encore

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source : Le Maître d’armes, éd. Dargaud, 2015.

Le maître d’armes

Au milieu du 16e siècle, une seule loi faisait foi de tout, celle de la parole biblique. Mais voilà que des gens commencent à contester son pouvoir ; l’esprit de la Réforme frappe aux portes et le doute s’installe. Messire Stalhoffer est l’incontesté maître d’armes de François 1er. Mais après un duel qui a mal tourné, le voilà plongé dans la tourmente et emporté par l’obscurantisme du régime religieux. Sa foi, ses valeurs, son courage et son épée seront mis à l’épreuve.

Tout d’abord, je crois que Xavier Dorison vient d’écrire l’une de ses plus belles bédés (avec Long John Silver). Il a travaillé très fort et effectué de nombreuses recherches afin de cibler précisément l’ambiance de cette époque particulière où l’impitoyable Église voyait poindre à l’horizon les lueurs de la Renaissance. Récit sur la foi bien sûr, mais surtout sur les hommes, complexes, tourmentés, qui se débattent dans un monde qui semblent glisser sous leurs pieds. Le scénario est une formidable et dramatique montée vers une fin inéluctable. Chaque page se dévore. De plus, les pinceaux de Parnotte décrivent parfaitement crasse, neige, sang, peau, mais aussi peur, haine, foi, folie. Une des très belle bédé de la fin 2015.

9/10

Auteurs : Xavier Dorison (scénario) Joël Parnotte (dessins)

Éditeur : Dargaud (2015)

96 pages

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source : La république du catch, éd. Casterman, 2015.

La république du catch

Marco est chétif, chauve et myope. Affublé de larges lunettes, il est propriétaire d’un magasin de pianos, legs de ses parents. Il aime plus ou moins la musique classique et rêve de devenir l’amant d’une catcheuse (ici, le catch est synonyme de lutte) qui se bat dans une salle tout près. Un jour, ses cousins, tous plus mafieux les uns que les autres rappliquent. Et qui devra leur tenir tête ? Le petit Marco.

À lire ce résumé, le lecteur pourrait se sentir en terrain connu. Erreur, car dès les premières cases, le ton est donné : pingouin qui joue magnifiquement du piano, bébé au plan meurtrier, fantômes bizarres et loufoques, ville abandonnée, combats de lutte. De Crécy a laissé vagabonder son imaginaire et c’est à ce moment qu’il est à son meilleur. Publié dans une revue japonaise hebdomadaire, son travail à la chaine lui a permis d’écrire une histoire à la fois construite et totalement débridée, comme si elle était le résultat du combat entre son Moi et son Ça (non résolu si l’on considère la fin ouverte). Le dessin, crayonné à la mine et stimulant à souhait, représente aussi cette dualité en étant précis, subtil, vague et brouillon. À feuilleter avec une bonne biiru.

8,5/10

Auteur : Nicolas de Crecy

Éditeur : Casterman (2015)

200 pages

-Du travail bien fait

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source : Hedge fund tome 3, éd. Lombard, 2015.

Hedge Fund tome 3 La stratégie du chaos

Frank Carvale est un opportuniste et un ambitieux qui, après quelques bourdes sur le territoire français, se retrouve à Hong Kong pour relancer sa vie et faire du fric. Mauvais vendeur d’assurances, rien ne va plus jusqu’au jour où il est recruté par Ergyu Bilkaer, un mystérieux milliardaire qui va faire de lui un trader. De millions en millions, l’ascension de Carvale est fulgurante jusqu’au jour où il se trouve au centre d’une des plus grandes arnaques modernes : les subprimes.

Abordant un sujet plutôt aride (le cours de la bourse et les banques), Hedge Fund, dont le troisième tome termine le récit, se révèle un thriller financier à la fois enlevant et curieusement éducatif. Appuyé par un dessin tendance Largo Winch qui permet une grande clarté (il y a énormément de dialogues et peu d’action), le scénario nous fait revivre la crise internationale de 2008 à travers le personnage de Carvale, une crapule qui découvrira qu’il y a cent fois pire que lui. La finale est un peu tirée par les cheveux, mais la leçon, qui montre tout le cynisme des grands joueurs économiques (comme Alan Greenspan), est édifiante.

8/10

Auteurs : Tristan Roulot et Philippe Sabbah (scénario) Patrick Hénaff (dessins)

Éditeur : Lombard (2015)

56 pages

-Correct sans plus

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source : Comment faire fortune en juin 40, éd. Casterman, 2015.

Comment faire fortune en juin 40

1940. La France est en déroute et les banques se précipitent pour mettre leur or en sûreté. Malheur, la Banque de France découvre deux tonnes d’or oubliées dans ses voûtes. Un camion blindé se met donc en route pour transporter ce trésor vers le sud du pays. Mais le secret est vite partagé et toute une panoplie de fripouilles seront au trousse du vulnérable véhicule, dont l’équipe de Sambio le Corse, héros du récit.

Dans un esprit qui rappelle ouvertement Les 12 salopards et De l’or pour les braves, les vedettes Nury et Dorison ont tenté de nous pondre un récit de guerre drôle et palpitant. L’objectif est plus ou moins atteint. Certes, la prémisse de base est excellente, mais les personnages principaux à la personnalité simpliste (le Corse mafieux, le Boxeur retraité, le Mécanicien allemand et l’habile Poulette de service) sont trop clichés (ah, cet énervant faux accent franco-allemand) pour qu’on les trouve amusants et encore moins attachants. Le tout s’enfonce dans une cascade de déjà vu. Le dessin, trop cartoonesque pour être entièrement crédible, fait le travail mais est vite oubliable. De plus, mauvaise note à Casterman pour son papier non glacé de mauvaise qualité. Mais peut-être que ça respecte la logique de ce produit vite consommé et jeté.

6,5/10

Auteurs : Xavier Dorison et Fabien Nury (scénario) Laurent Astier (dessins)

Editeur : Casterman (2015)

116 pages

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source : Sykes, éd. Lombard, 2015.

Sykes

Sykes est U.S. Marshall, c’est-à-dire un shérif qui se promène au gré des demandes, car il traque, avec l’aide son vieux compère O’Malley, les pires truands de l’Ouest (morts ou vifs). Par un malheureux concours de circonstance, il se trouve accompagné d’un môme d’une dizaine d’années, à suivre la piste d’une bande de tueurs fous furieux. Le plomb vole et le sang gicle. Mais il n’y a pas que les bandits ; le passé de Sykes vient aussi le hanter à nouveau.

2015 aura donc été l’année des westerns. Avant d’ouvrir l’album, soulignons sa superbe page couverte, œuvre de Dimitri Armand. D’ailleurs, le livre est tapissé de plusieurs très belles cases toutes en clair-obscur. Sans aucun doute, nous sommes au Far Ouest. Le scénario est agréable et classique ; un loup solitaire au passé trouble qui se révèle peu à peu au contact de la naïveté de l’enfant. Sykes est un bon filon, mais curieusement, au lieu de continuer à creuser son personnage, Dubois effectue un bond dans le temps à la page 64, projetant le lecteur vers une finale prévisible et forcée, comme si l’auteur avait absolument voulu insérer cette conclusion carrée dans une histoire ronde. Dommage. L’entreprise avait si bien démarré.

6,5/10

Auteurs : Pierre Dubois (scénario) Dimitri Armand (dessins)

Éditeurs : Lombard (2015)

80 pages

-Et si on allait au cinéma à la place

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source : Micmac moche au boul’mich, éd. Casterman, 2015.

Micmac moche au boul’mich

Un homme seul dans sa voiture un soir enneigé à Paris, le visage marqué par la douleur. Dans sa main, un pistolet. Un coup de feu retentit dans la nuit. Un mois plus tard, une jolie blondinette se retrouve dans le bureau de Nestor Burma. Elle prétend que son amoureux ne s’est pas suicidé contrairement au rapport de police. Burma accepte le dossier par politesse puis peu à peu découvre qu’il vient de mettre les pieds dans une affaire beaucoup plus complexe qu’à première vue. Une affaire qui pue.

Nicolas Barral est le pinceau derrière les aventures loufoques de Sherlock Holmes dans Baker Street. Ici, il s’attaque à un autre pan de la littérature policière, le Nestor Burma de Léo Malet. Grand amoureux de Tardi, son dessin reproduit à la perfection les ambiances parisiennes du 5e arrondissement et les gueules antipathiques des personnages. Premier bémol, l’ajout de la couleur ne sied vraiment pas au récit ; elle adoucit l’atmosphère au lieu de la noircir. Là où le bat blesse, c’est l’adaptation du récit. Loin d’être complètement absorbé par l’enquête, le lecteur survol de haut le livre comme si les acteurs jouaient tous un peu faux, comme si la vivacité des dialogues avait été évacuée pour une version édulcorée. Bref, une décevante sauce qui ne prend pas.

5/10

Auteurs : adaptation et dessins (Nicolas Barral) d’après Tardi et Malet

Éditeur : Casterman (2015)

94 pages

 

 

 

 

 

 

 

 

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