
par Mathieu T
Il y a de fortes chances que vous ne connaissiez pas Jean-Jacques Audubon. Et pourtant, deux rues portent son nom à Montréal. Américain d’origine française et aventurier sans peur, il est le premier ornithologue des Amériques pour avoir voulu recenser tous les oiseaux de notre si beau bout de planète. Peintre de talent, il a tenté de les représenter le plus naturellement possible, ce qui allait à l’encontre de la scientificité de l’époque qui demandait une représentation objective du sujet étudié.
Audubon a fait paraître de 1830 à 1839 Les oiseaux d’Amérique, quatre volumes incluant 435 planches d’oiseaux grandeur nature. Imprimé à 200 exemplaires, il en reste aujourd’hui 119. En 2010, un Oiseaux d’Amérique s’est vendu à 8,6 millions de dollars. Si vous voulez en consulter un, la bibliothèque du parlement à Ottawa, la bibliothèque de l’Université McGill à Montréal, la bibliothèque municipale de Toronto et la bibliothèque de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick à Fredericton en possèdent une copie. Vous pouvez aussi consulter ce formidable site de l’Université de Pittsburgh : http://digital.library.pitt.edu/a/audubon/plates.html.
Les auteurs ont décidé de représenter sa vie de manière assez linéaire, commençant par ses débuts sur les vastes territoires américains jusqu’à sa mort en 1851. Combinant exploration du territoire, relation difficile avec le milieu scientifique, description zoologique des oiseaux, déchirement entre sa famille et sa passion pour la nature et les voyages et surtout, son amour des volatiles, Fabien Grolleau a créé un récit qui respire et qui nous aspire, transformant le lecteur, le temps d’un instant, en coureur des bois. Malgré le style standard de cette biographie, Grolleau a su éviter le didactisme et l’anecdotique. C’est aéré et le flot de l’histoire coule de source. Les pages sentent bon l’épinette.

Le dessin, qui se rapproche un peu de celui de Dupuy-Berberian, appuie cette impression d’infini bonheur de celui qui parcourt un sentier dans la forêt à l’écoute de la nature. Les oiseaux, au centre de tout, sont très bien représentés et il est facile de comprendre l’intérêt que porte Audubon pour ces animaux. Royer a pondu des cases qui se regardent et s’écoutent.
Pour certains, Audubon peut représenter la liberté, la passion, les rêves; pour moi, il est la fenêtre ouverte sur notre boréalité, cette connexion avec la nature que nous perdons peu à peu individuellement et collectivement.
Un album exaltant.
9/10
Sur les ailes du monde, Audubon
Auteurs : Fabien Grolleau (scénario) Jérémie Royer (dessins)
Éditeur : Dargaud (2016)
184 Pages