Un peu d’impressionnisme en BD

Publié par

Par Dany Rousseau

9782818934722
Grand Angle (2016) Richez/Winoc

 Si un modello est une peinture préparatoire à une œuvre définitive, un postello signifie qu’une peinture est postérieure à ladite œuvre. Le Postello (Grand angle), une bédé de Richez et Winoc, raconte l’histoire vraie de Stéphane K, mannequin un peu flambeur qui, dans les années 80, vit à fond les excès des nuits parisiennes avec ses restos hors de prix, ses discos, sa cocaïne et ses filles déjantées. Sur la fin d’une carrière où il sent qu’il perd le sens de sa vie, Stéphane sera sauvé par une rencontre. Alors qu’il est en vadrouille et cherche un endroit où dormir, Pierre Berger, le copain d’Yves Saint-Laurent, lui refile les clés de son bureau. À son réveil, il sera soufflé par l’émotion que lui cause une sérigraphie d’Andy Warhol fixée au mur de son refuge temporaire. «L’art et Warhol ont changé ma vie.» (p.9) affirmera Stéphane. Dès lors, il délaisse le glamour superficiel des Champs Élysées et de la rue Montaigne pour devenir acheteur pour un marchand d’art et entre à l’école du Louvre. Le destin de Stéphane sera bouleversé lorsqu’il aperçoit par hasard dans un marché aux puces une toile représentant des chevaux et leurs cavaliers. La peinture n’est pas signée, mais pour lui c’est une évidence : c’est un Edgar Degas! Trop de détails confirment son intuition. Il est certain que cette toile payée 3000 francs est un modello de La course de chevaux à Longchamps réalisée en 1871 et exposée au musée de Boston.

S’engage alors une quête afin d’authentifier la découverte de l’ex-mannequin. Le Postello nous permet ainsi de pénétrer dans un monde avec lequel nous sommes peu familiers. C’est au fil de l’enquête de Stéphane que nous pourrons en apprendre plus sur les experts et les techniques modernes nécessaires à l’authentification d’une œuvre. S’en suivra une suite interminable d’expertises et de contre-expertises, d’hypothèses et de contre-hypothèses. Ce pénible passage obligé pour Stéphane sera nécessaire afin de donner une valeur à une peinture qui s’avèrera soit un chef d’œuvre inconnue d’un maître impressionniste, soit une croûte réalisée par un peintre du dimanche. Si le premier cas se confirme, l’œuvre vaudra des millions, sinon… au poubelle. Nous constatons rapidement que la valeur artistique pour le marché de l’art n’est pas garant de la valeur monétaire. Ce que l’on vend est avant tout un nom.

Le Postello est une bonne histoire, bien racontée. Le scénario de Richez nous happe complètement. Nous suivons avec intérêt le héros porté par sa passion qui deviendra vite une obsession. Le suspens est bien monté, les nombreux rebondissements ébranlent nos certitudes sur l’issu de l’intrigue comme dans un bon polar. Il est aussi agréable de voir croître notre compassion pour ce présumé Degas qui tel un patient du Docteur House passe sous le bistouri de la biopsie, du scanner, des rayons X, rouges et ultraviolets. Stéphane est attachant et même s’il se préoccupe de la valeur monétaire de sa toile – il n’est tout de même pas dénué de tout bon sens – sa motivation première est pour lui l’art et la beauté. Le dessin réaliste et classique de Winoc, sans rien révolutionner, reste lumineux et agréable.

8.5/10

Le Postello

Auteurs : Hervé Richez (scénario) Winoc (dessins)

Éditeur : Grand angle (2016)

128 pages 

Unknown
Futuropolis (2016) Denis

Après Degas, ne nous éloignons pas trop des impressionnistes. Parlons de Paul Gauguin qui est au centre du dernier opus du grand prix d’Angoulême 2012, Jean-C Denis, qui nous revient accompagné de son héros fétiche Luc Leroi. Huitième album des aventures de cet antihéros, Luc Leroi; plutôt plus tard (Futuropolis) nous embarque dans une histoire fantastique qui gravite autour de Gauguin, Tahiti et la bohème parnassienne.

Luc Leroi est fauché et habite dans une petite mansarde avec sa copine Alinéa, une belle Tahitienne qui doit quitter Paris pour retourner dans son île. Franchement déprimé, Luc entraîne sa belle amie au musée d’Orsay pour partager avec elle son amour de Gauguin et son travail sur la Polynésie. Alinéas réussit à convaincre son amoureux de la suivre à Papeete. Après deux semaines de vacances dans la famille de sa bien-aimée, Luc rentre à Paris en promettant d’attendre impatiemment son retour à l’été. Alors que l’avion de Luc passe la ligne du changement de date dans l’océan Pacifique, des choses étranges modifieront son espace-temps. Se retrouvant à Paris sans bagage et sans clé pour rentrer chez lui, Luc constatera qu’il est revenu dans le Paris de la fin du XIXe siècle. Entrainé par l’étrange Paco chez Gauguin, Luc se liera d’amitié avec son idole.

Je ne prendrai pas de détour pour affirmer que Luc Leroi ne m’a pas énormément plus. Son côté naïf et tendre m’a franchement tombé sur les nerfs. Sa façon spontanée, avec laquelle le héros explique qu’il vient du futur au peintre et à ses amis, nous fait songer que si Doc Brown avait été dans l’assistance, il serait mort d’une crise d’apoplexie. Luc Leroi se fout complètement de la rupture du continuum espace-temps et de l’implosion de l’univers. Cependant, attention, je n’affirme pas que j’ai entre les mains une mauvaise bédé! La raison de ma réticence est tout simplement que je ne connaissais pas Luc Leroi avant ma lecture. J’ignorais complètement que Jean-C Denis était le père d’un héros qui en était à son huitième album.

La trame narrative du livre s’adresse nettement à un public jeunesse ou adulte ayant grandi avec l’alter ego de l’auteur. Selon moi, il y a un moment précis pour adopter une série jeunesse; une fois passer le délai de péremption, il est trop tard. La bédé découverte à 10 ans transportera pour toujours les effluves de l’enfance pour l’adulte qui s’y replongera. Autrement la magie n’opèrera pas. Même si j’ai eu le gout de gifler Luc Leroi tout au long de ma lecture, je peux reconnaitre les grandes qualités graphiques et scénaristiques de Denis. Sa ligne claire et son récit fantaisiste permettent avec un humour intelligent de faire découvrir un artiste majeur à tout jeune qui voudra entrer dans le monde de Luc Leroi. Le critique quarantenaire, lui, passera son chemin.

8/10 (pour les grands enfants)

Luc Leroi; Plutôt plus tard

Auteur : Jean-C Denis

Édition : Futuropolis (2016)

68 pages

 

 

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