
par Mathieu T
Je dois vous faire une petite confession. Quand j’ai commencé mes études en sciences politiques, De la démocratie en Amérique est le premier livre que j’ai acheté (deux tomes chez Flammarion) d’après la chaude recommandation d’un professeur enthousiaste. Je n’ai jamais terminé la lecture du premier tome. Manque de temps ? Paresse ? Filles à gogo ? Je ne sais pas. Voilà que mon passé intellectuel peu glorieux vient me hanter avec la parution de ce Tocqueville. Saurais-je rester stoïque ? C’est à voir.
Inspirée par le livre Quinze jours dans le désert dans lequel Tocqueville raconte un séjour au Michigan en juillet 1831, la bédé narre les aventures du comte et de son ami Gustave de Beaumont et leur recherche à retrouver la vraie nature des États-Unis.
Le récit démarre à New York où les deux jeunes gens se pressent pour prendre une diligence se dirigeant vers l’Ouest. À mesure que le voyage se poursuit, Tocqueville, le narrateur de l’histoire, nous fait part de ses réflexions. « Ici, un peuple antique, le premier et légitime maître du continent américain, fond chaque jour comme neige au soleil et disparaît à vue d’œil de la surface de la Terre. (p.7) » Bien tourné, non ?
Tocqueville accompagne son voyage et le nôtre de ses nombreuses réflexions sur la vie en Amérique et il apporte un regard neuf, à la limite naïf, et non celui d’un vieil européen embourgeoisé. La naissance de la pensée tocquevillienne est en marche. Il nous obligera à nous attarder à notre rapport aux indiens et à la notion de liberté par l’entremise du processus de civilisation du Nouveau monde.
La force de cette bédé, pour celui qui ne méprise pas la lecture d’encadrés parfois un peu long, est de nous plonger dans la pensée libérale de Tocqueville tout en se présentant comme un voyage initiatique de deux jeunes hommes motivés. Certaines pages mériteraient de respirer un peu, justement pour laisser au lecteur le temps de digérer ce qu’il vient de lire et de comprendre, mais l’ensemble, véritable nourriture pour notre cerveau sous-alimenté, est très stimulant.

Un dessin riche et vivant, avec de superbes larges cases, complète ce bel album. Comme je le répète souvent, trouver un trait juste afin de représenter avec acuité et sensibilité la nature (les arbres, les lacs, les rivières, les montagnes, etc.) n’est pas chose aisé et Kévin Bazot réussit ce tour de force. Le lecteur sent qu’il fait parti du voyage. Un beau titre pour Casterman.
Tiens, je pourrais finir ma lecture après tout.
8/10
Tocqueville * Vers un nouveau monde
Auteur : Kévin Bazot
Éditeur : Casterman (2016)
98 pages plus extras