Comme à la guerre

Publié par

par Pedro Tambièn

 

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source : Le sentier des reines, éd. Casterman, 2015.

Depuis la création de Bdmétrique, mon collègue Dany Rousseau vous a présenté des saisissantes bédés de guerre. Dans le panier d’aujourd’hui, je vous propose de lire deux ouvrages qui traitent de la période suivant la guerre 1914-18.

Parlons d’abord du Sentier des Reines d’Anthony Pastor. L’histoire débute dans un village savoyard décimé. La plupart des hommes sont tombés au combat, la famine guette, l’hiver 1920 est particulièrement rigoureux.

Blanca a perdu dans une avalanche son fils et son petit-fils, qui sont aussi le mari et le fils de Pauline. Cette catastrophe naturelle a aussi emporté les parents de Florentin, le narrateur de la bande dessinée.

Bianca, Pauline et Florentin décident de quitter le village avec le peu de possessions qu’il leur reste hérités de leurs défunts. Parmi ces possessions, un objet de valeur intéressera particulièrement un ancien soldat, laissé pour compte depuis la démobilisation et qui prétend avoir connu le mari de Pauline lors d’un épisode honteux de la guerre.

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source : Le sentier des reines, éd. Casterman, 2015.

Bien que la trame narrative soit guidée par Florentin, encore jeune et naïf, celui-ci est sensible à la tension palpable dans ce monde en transition. Les deux femmes au destin ravagé tentent de se tailler une place dans une société patriarcale qui, même dans le meilleur des cas, ne les aurait pas laissé s’épanouir. Pour atteindre leur but, elles devront braver les éléments et faire face au danger et au chaos de l’après-guerre.

Les dessins d’Anthony Pastor sont superbes, que ce soit pour illustrer la rigueur de l’hiver, la détresse ou encore la détermination au bord de la folie des personnages. Mais sa prose n’est pas à laisser pour compte. Il y a de grands moments de poésie dans les dialogues ou encore dans les analyses de Florentin : « Depuis un moment, j’ai l’impression que les sapins nous observent. Mais ils ne peuvent pas faire ça, à moins que quelqu’un ne leur prête des yeux. »

8/10

Le sentier des reines

Auteur : Anthony Pastor

Éditeur : Casterman (2015)

120 pages en couleur

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source : Au revoir là-haut, éd. Rue de Sèvres, 2015.

La deuxième bande dessinée du panier, Au-revoir là-haut, traite, elle aussi, du chaos post-Grande Guerre. Cet ouvrage est une adaptation du roman du même nom, écrit par Pierre Lemaître et gagnant du prix Goncourt 2013. Je n’ai pas la même aversion que Mathieu T pour les adaptations, et même après avoir lu cette bédé magistrale, j’ai grandement hâte de voir au grand écran le film qu’en fera Albert Dupontel.

Dans Au-revoir là-haut, nous rencontrons deux soldats, Albert et Édouard. Dirigés par le diabolique lieutenant Pradelle, Édouard se retrouve, dans les derniers jours avant la fin de la guerre, mutilé d’une façon odieuse et demande à Albert d’annoncer sa mort à sa famille pour ne pas vivre dans la honte. Albert accepte et décide aussi de le garder sous son aile. Pendant ce temps, l’absence totale d’éthique chez Pradelle le mènera aux pires bassesses pour profiter d’une opportunité d’affaires. Leurs destinées se recroiseront bientôt.

Christian de Metter réalise un tour de force. On ne se rend pas compte que cette bédé est une adaptation de roman. En effet, les adaptations courent souvent le risque de tomber dans la verbosité et la surenchère narrative. Dans ce cas, environ le quart du roman graphique n’a ni bulle de dialogue, ni de récitatif (ou voix « off »). La finale, d’une puissance inouïe, ne contient qu’une phrase et une insulte dans les sept dernières pages. D’autres scènes, notamment lorsqu’Édouard réalise l’ampleur de sa blessure, sont remplies de douleur et de panique, des émotions ancrées exclusivement dans les yeux du mutilé et de son ami.

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source : Au revoir là-haut, éd. Rue de Sèvres, 2015.

Malgré la morosité de cette période et le traumatisme imposé à plusieurs personnages du roman, la trame narrative permet au lecteur de respirer avec quelques moments d’humour et de grâce, qui sont fort réussis et par lesquels on comprend pourquoi un comédien de la trempe de Dupontel est intéressé à la mise en image de l’oeuvre. L’adaptation vers le 9e art est réussie et la marche sera haute pour le film !

9/10

Au-revoir là-haut

Auteur : Christian de Metter (roman d’origine : Pierre Lemaître)

Éditeur : Rue de Sèvres (2015)

168 pages en couleurs

 

 

 

 

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