
par Pedro Tambièn
Promis, juré, craché, aucune drogue n’a été consommée durant l’écriture de cette chronique. Par mon chat.
Les trois bandes dessinées de cette chronique vous feront voyager vers des espaces psychédéliques tout en étant plus sécuritaires et en inspirant plus de confiance que l’ado qui vous attend au parc à côté avec un sac à dos plein de « vitamines ».
En écoutant la musique de Dragibus, groupe musical dans lequel a joué Léo Quievreux, le cerveau derrière Le Programme Immersion, on peut s’attendre à ce que les bandes dessinées de ce claviériste soient complètement déjantées et pleines de mélanges de couleurs et de genres. Ce qui nous attend est au contraire très sombre, à la limite du bad trip.
Deux organisations secrètes tentent de s’accaparer la machine EP1 (Elephant Program One) qui permet de visualiser les souvenirs d’un être humain lorsque celui-ci y est branché. Les agents secrets de ces deux organisations vont se livrer une course-poursuite labyrinthique à travers le subconscient et les rêves de chacun d’entre eux.
Les dessins sont dans le style de Charles Burns et le scénario est digne d’Existenz de David Cronenberg. Malheureusement, le lecteur est accablé par un peu trop d’exposition dans le dernier acte de l’histoire, mais les dessins oniriques à la géométrique hallucinatoire et la superbe mise en ambiance hypnotique nous font pardonner ce défaut.
7/10
Le programme immersion
Auteur : Léo Quievreux
Éditeur : Éditions Matière (2015)
158 pages en noir et blanc et inconscient à géométrie variable.

Transportons-nous vers une autre bande dessinée et un univers plus coloré en apparence, mais avec là aussi beaucoup de zones sombres.
Jack se sent dans une impasse. Sa blonde Patience (quel nom !) est enceinte et ne sait pas qu’il a une job qui paie au salaire minimum avec peu de chances d’avancer socialement. C’est une bande dessinée de l’Américain Daniel Clowes et cette prémisse est du « Classic Clowes ».
Soudain, sa vie bascule : un soir qu’il rentre chez lui, il voit sa femme gisant sur le plancher. Assassinée. Mais par qui ? Le style de Clowes bascule lui aussi : l’histoire se transporte plusieurs décennies plus tard. Jack est devenu un alcoolique radoteur dans une société pleine et colorée mais aux personnage toujours aussi fades et vicieux. Il découvre une innovation qui lui permettrait de remonter dans le temps et, éventuellement, empêcher le meurtre de Patience.
Par rapport à ses oeuvres précédentes, Clowes (qui n’avait rien publié depuis le superbe Wilson, il y a cinq ans) change de cap avec comme motivation pour le faire, une excellente idée par rapport aux éléments classiques de ce genre d’histoires de science-fiction. Au lieu d’avoir une machine à remonter dans le temps, c’est une drogue, un liquide qui s’injecte dans la veine jugulaire, qui permet au personnage de se transporter. Lorsque Jack voyage dans le temps, le lecteur a droit à des trips psychédéliques incroyables où Daniel Clowes se laisse aller dans la fantaisie et va bien plus loin qu’il ne l’a fait dans ses autres romans graphiques. On peut aussi se demander si après le meurtre de la femme de Jack, tout ce qui se passe (du futur très coloré à ses aventures pour empêcher sa vie de basculer) est bien réel.
Patience est un véritable tour de force. Le roman graphique est très violent, autant psychologiquement que physiquement. Si vous êtes fans de Clowes, de science-fiction ou de lecture psychédélique sous influence, cette bande dessinée vous sera essentielle et marquera votre année culturelle.
9/10
Patience
Auteur : Daniel Clowes
Éditeur : Fantagraphics (2016)
180 pages pleines de couleurs, de trips psychédéliques et de « toutestdanstoutte »

Déplaçons-nous vers Montréal pour une autre bande dessinée hors du commun. Son créateur est québécois, la maison d’édition l’est aussi, et le premier tirage est très restreint (150 exemplaires seulement). Si vous trouvez une copie de cette bédé, n’hésitez pas à l’acheter, car c’est un petit bijou.
L’histoire suit une femme qui rentre chez elle, consomme vraisemblablement un champignon « magique » et part dans un monde onirique tantôt inquiétant, tantôt libérateur. Le roman graphique est complètement muet, sans aucune autre exposition que ce qui est illustré et les dessins peuvent prêter à beaucoup d’interprétations différentes.
Ces illustrations très sensuelles en noir et blanc, de facture plus organique que ce qu’on a pu expérimenter dans le Programme Immersion, et plus réaliste que ce qu’on vu dans Patience. Pour clore l’ouvrage, l’auteur, Stanley Wany, se laisse prendre au jeu de l’entrevue avec Marc Tessier (les deux hommes sont justement fondateurs et directeurs des éditions Trip), ce qui permet au lecteur de mieux connaître l’auteur, confirmer ses influences et ses intentions.
Bon voyage dans l’univers des rêves !
7,5/10
Agalma
Auteur : Stanley Wany
Éditeur : Éditions Trip (2015)
102 pages noires et blanches, pleines de rêves et de cauchemars.