
par Mathieu T
Après avoir lancé une intégrale Red Ketchup en deux volumes (critique ici du deuxième tome), La Pastèque réédite Red Ketchup en enfer, aventure prépubliée dans le magazine Croc en 1994.
Commenter un vieux Red nouvelle mouture n’est pas évident. D’un côté, il y a Réal Godbout, monument de la bédé québécoise et père d’un style reconnaissable entre tous. De l’autre, il y a eu beaucoup d’eau coulée sous le pont du 9e art depuis 1994 et le monde de la bédé a changé et mon regard critique aussi.
L’histoire démarre sur les chapeaux de roues. Après une opération en Louisiane qui tourne mal, Steve Red Ketchup se retrouve en enfer. Mais rien n’est jamais simple pour l’agent fou et voilà qu’il met sans dessus dessous le royaume de Lucifer au grand plaisir de celui-ci. Le grand barbu à la queue fourchue aurait-il une idée derrière la tête ?
Réal Godbout continue dans cet album son formidable travail graphique. Son style détaillé aux personnages un peu figés parcourt la bédé du début (voir le bal des immondes, page 5) à la fin (voir le démon en furie, page 44). L’œil du lecteur, avide, dévore chaque case, chaque trait. Je vous recommande d’ailleurs si vous aimez la touche Godbout d’aller feuilleter le livre La Pastèque, 15 ans d’édition, dans lequel le bédéiste crée de superbes planches influencées par une peinture de Marc-Aurèle Fortin. Du bonbon.

Malheureusement, le scénario n’est pas du tout à la hauteur du dessin. Je suis prêt à accepter quelques tics d’une autre époque (1994 nous ramène quand même 22 ans en arrière) ; phylactères bondés et omniprésents, humour un peu ringard et femmes toutes nues font partis de l’univers Ketchup, mais le récit est franchement n’importe quoi. Le méchant est risible et sans envergure et Red, au lieu de sombrer dans sa folie si jouissive, joue platement au policier de service. S’ensuit un ensemble d’événements invraisemblables et sans intérêt comme celui où la sœur de Red enquête sur sa mort et finit par déboucher en pleine révolution haïtienne.
L’invraisemblance d’un élément d’une histoire n’est pas un défaut ; au contraire, il muscle le propos en jouant souvent avec les codes, ce que j’aimais retrouver dans les vieux albums de Red Ketchup. Ici, le lecteur sent que c’est forcé et ça ne lève pas.
Grande déception, mais restons optimiste avec le nouveau Ketchup, Élixir X, présentement en chantier.
6/10
Red Ketchup 08 – Red Ketchup en enfer
Auteurs : Pierre fournier (scénario) Réal Godbout (scénario et dessins)
Éditeurs : La Pastèque (2016)
46 pages