par Pedro Tambièn

Un peu comme la chanson Pen Pineapple Apple Pen, cette chronique va aller dans tous les sens, comme les bédés qui vont y être présentées.
Au début de ce roman graphique (presque) autobiographique, Fabrice, aussi connu sous son pseudonyme de Fabcaro, s’en va au supermarché. Une fois arrivé à la caisse, il se rend compte qu’il n’a pas sa carte du magasin. « Elle est sûrement restée dans mon autre pantalon », estime-t-il utile de préciser à la caissière. Ni elle ni le gérant du commerce sont dupes. « Fais pas le con, lâche le poireau » lancera le patriarche moustachu à notre ami Fabrice. Celui-ci n’aura plus qu’une option de disponible dans sa vie : s’échapper. Avec le poireau. Et avec un très mince espoir de revoir un jour sa famille.
Pourquoi le titre de cette tragédie shakespearienne est-elle une allusion à la chanson « Siffler sur la colline » de Joe Dassin ? Il faudra la lire pour le comprendre. Ou pas.
Zaï Zaï Zaï Zaï a gagné le Grand Prix de la critique de l’ACBD et à sa lecture, on comprend pourquoi. Chaque page, même si elle est dessinée de façon relativement rudimentaire (décors minimalistes, visages peu définis, répétitions des cases), est un bijou d’humour absurde. On croirait lire une bédé écrite par Bruno Blanchet à l’époque où il nous donnait les conseils pour la fin de semaine à l’émission La Fin du Monde est à Sept Heures.
Je vais tenter de ne pas en écrire plus sur Zaï Zaï Zaï Zaï pour ne pas gâcher ses surprises. Mais croyez-moi, c’est une lecture essentielle pour les passionnés de marketing, de politique, de zoologie, de deuil-ologie, de gospel-ologie, et de j’en-oublie-lologie.
9/10
Zaï Zaï Zaï Zaï
Auteur : Fabcaro
Éditeur : Éditions 6 pieds sous terre (2016)
80 pages en noir, blanc et kaki (la couleur de l’avenir)

Voici un beau petit ovni de la part de Geoffroy Monde. Cette bédé est une série de vignettes / tranches de vie d’un monde parallèle dans lequel les génies en ont assez d’accorder des vœux lubriques aux gens qui les découvrent, où le nirvana de la méditation, c’est la vision d’une gaufre assassinée (vraiment), et où Jackie Chan est obligé de tourner dans des films plates dans lesquels il ne peut pas se battre lorsqu’il commande un verre dans un bar.
Les dessins, et surtout les couleurs, sont absolument sublimes. Les pages d’introduction des vignettes sont des décors très élaborés qui font penser à Geoff Darrow (Hard Boiled). Les gags en tant que tels n’ont pas, ou peu, de décor, et les dessins flottent, sans structure visible de cases, ce qui leur donne un côté onirique, qui sied à l’absurdité de l’humour du monde de Monde (haha).
Quelques gags tombent à plat, et la plupart de ceux qui marchent nous font plus sourire que rire. Cependant, c’est tout un voyage qu’on entreprend dans la tête de cet auteur prometteur.
6,5/10
De Rien
Auteur : Geoffroy Monde
Éditeur : Delcourt (2016)
154 pages en couleurs d’aquarelle

Cette bédé n’est pas humoristique comme les deux précédentes. Cependant, c’en est presque hilarant de remarquer le talent fou de son scénariste Brian K Vaughan. Ses créations sont des bijoux : The Private Eye est une histoire de paparazzi / détective privé dans une ère post-Internet; Pride of Baghdad parle de l’histoire vraie des lions qui se sont échappé du zoo de la capitale irakienne lors de la guerre de 2003; Saga, c’est Roméo et Juliette dans l’espace; Y The Last Man possède une puissante idée de base : si tous les hommes mourraient à l’exception d’un seul, comment réagirait l’humanité ?
Vous l’aurez remarqué, ce sont des thèmes très simples qui auraient pu être des prémisses de bédés insignifiantes et rapidement oubliables. Pourtant, ces quatre-là sont parmi les meilleures des 15 dernières années.
La thématique de Paper Girls part dans tous les sens (PPAP !). Nous suivons quatre jeunes filles qui parcourent une banlieue de Cleveland à vélo pour distribuer un quotidien. Nous sommes dans les années 80, mais avec une ambiance bizarroïde. Et ces Paper girls sont témoins d’incidents incompréhensibles. Les nouveaux humanoïdes qu’elles rencontrent sont-ils des extraterrestres ou des hommes et femmes du futur ?
Le premier tome est dément. Les quatre comparses comprennent qu’elles sont à l’aube de la fin de leur monde et qu’elles sont très proches de comprendre ce qui leur semble si loin et si fou, même si ça se passe sous leurs yeux.
Les dessins de Cliff Chiang sont très efficaces et rendent les personnages et leur situation très crédibles, malgré le psychédélisme du scénario. Les Paper Girls seront-elles autant encensées que les autres créations de Vaughn dans quelques années ? Je suis prêt à parier ma Gameboy et mon jeu préféré (vous l’aurez deviné, c’était Paper Boy) que, grâce aux tomes suivants, ce sera le cas.
8,5/10
Paper Girls vol. 1
Auteurs : Brian K Vaughan (scénario) Cliff Chiang (dessins)
Éditeur : Image Comics (2016)
144 pages de couleurs pré-apocalyptiques