Panier à critiques XXI

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Par Dany Rousseau :

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Le Lombard (2016) Campi/Zabrus

Je fréquente Bruxelles depuis de nombreuses années et j’y ai développé de nombreuses amitiés. Adorant cette ville décrite par un ami comme « trash-sophistiquée », je me suis  attaché à ses emblèmes culturels : Hergé, le Manneken Pis, la Grand place, le Sablon, la lambic, la place Saint-Géry, l’architecture Art nouveau et bien entendu René Magritte, le sujet de la dernière bédé du dessinateur Thomas Campi et du scénariste Vincent Zabus. Magritte, Ceci n’est pas une biographie (Le Lombard) raconte – comme le titre s’en défend –la vie de l’artiste surréaliste d’une façon humoristique et originale. J’ai eu beaucoup de difficulté à résumer l’album et je me suis contenté de vous en écrire assez sur son scénario éclaté et sur son magnifique dessin à l’aquarelle pour piquer votre curiosité et vous inciter à aller feuilleter ce fascinant ovni littéraire.

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L’action débute alors que Charles Singulier, un homme ordinaire, chine au marché aux puces des Marolles. Après y avoir acheté un chapeau melon, il déambule dans les rues de Bruxelles magnifiquement illustrées. Lorsque Charles rentre chez lui, il ne peut retirer son étrange couvre-chef. À la télé apparaît le Fantomas que Magritte réalisa pour son tableau Le Barbare en 1927. L’inquiétant personnage, portant masque et haute-forme, annoncera sans détour à Charles que s’il veut retirer son chapeau, il devra résoudre le mystère de Magritte. Charles, qui doit rencontrer son patron pour une promotion le lendemain, aura tout intérêt à réussir sa quête, car ce chapeau est pour lui un handicap de taille pour son avancement professionnel.

Dès lors, l’homme est entrainé dans une histoire délirante et hallucinée où il aura comme guide deux personnages qui apparaissent et disparaissent au hasard de l’aventure. Ces derniers seront incarnés par une jolie employée du musée Magritte de Bruxelles et par le biographe officiel de l’artiste. À travers des moments marquants de l’existence du peintre qui gardait volontairement le mystère autour de sa vie privée et en étant transporté dans l’univers de ses différentes œuvres, Charles tente de comprendre ce qui lui arrive.

Les auteurs jouent habilement avec les codes graphiques de l’œuvre. Ils nous accompagnent sur le terrain du surréalisme de Magritte qui a découvert ce mouvement artistique à Paris dans les années 20. Ses tableaux étranges, qui semblent tout droit sortis de l’inconscient, sont les véritables vedettes de cette bande dessinée qui a parfois des allures d’interprétation freudienne. Loin d’être une biographie linéaire convenue, cette oeuvre réussit avec brio à nous transporter dans l’imaginaire du plus grand peintre belge moderne.

8,5/10

Magritte, Ceci n’est pas une biographie

Auteurs : Thomas Campi (dessins) Vincent Zabus (scénario)

Éditeur : Le Lombard (2016)

64 pages

 

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Rue de Sèvre (2016) Zep

Ce qui m’impressionne chez Zep, ce sont ses pouvoirs polymorphiques. L’artiste peut aisément passer de la légèreté et la franche rigolade d’un Titeuf à une œuvre grave et splendide telle qu’il nous offre dans Un bruit étrange et beau (Rue de Sèvre). Immédiatement en ouvrant ce nouvel album, nous sommes frappés par la douceur des couleurs et le dessin bichrome. On se laisse envelopper dès les premières pages par l’histoire singulière de Don Marcus, chartreux cloitré depuis 25 ans dans un monastère âgé de plus de 1000 ans lové au cœur des Alpes. Se posant en narrateur, le moine nous explique son quotidien réglé comme du papier musique. Passant la majorité de son temps dans sa petite cellule, le père Marcus sort en de rares exceptions pour les trois offices quotidiens, pour le repas communautaire dominical et pour la promenade hebdomadaire avec les frères dans la montagne où il est permis de parler. Autrement, la prière, le silence, la méditation et la réflexion sont ses seuls compagnons. Alors que la plupart d’entre nous sombreraient dans la folie dans un tel régime, Don Marcus y trouve une plénitude et un bonheur intense.

Étant complètement coupée du monde depuis un quart de siècle, la vie de Don Marcus sera bouleversée lorsque le père supérieur lui apprendra que sa richissime tante est décédée et que le moine devra se rendre à Paris pour assister à la lecture du testament. Voulant se défiler, Marcus comprendra vite qu’il n’a pas le choix. L’héritage parait intéressant et le toit de l’aile sud de l’abbaye est dans un piètre état. Il devra donc pour la première fois depuis 25 ans sortir de son univers et se confronter au monde ambiant, à sa famille qui n’a jamais compris son choix et surtout, à son identité passée. Ce périple sera pour lui une profession de foi dans cette société moderne en perte de repère.

On s’attache vite au père Marcus, connu dans la vie séculière sous le prénom de William. Ses questionnements, ses doutes, ses certitudes, mais surtout ses réponses face à l’incompréhension de son entourage qui le regarde un peu comme un extraterrestre, sont inspirants. Sans nous convaincre de courir nous cloîtrer dans un monastère près de chez nous, ce bel album d’une grande profondeur nous questionne sur la foi, le silence, les choix et le courage d’affronter la vie.

9/10

Un bruit étrange et beau

Auteur : Zep

Éditeur : Rue de Sèvre (2016)

84 pages

 

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Dupuis (2016) Bonhomme\Trondheim

Publié en supplément gratuit dans la revue Spirou entre 2011 et 2014 et regroupé en deux tomes en 2012 et 2014 (le t.2 avait été critiqué ici), Texas Cowboys (Dupuis) nous revient sous forme d’un coffret accompagné d’un carnet de croquis. Dessiné par Mathieu bonhomme et scénarisé par Lewis Trondheim, ce pastiche de feuilleton western est un régal qui se renouvèle avec ce bel objet.

Se déroulant après la guerre de Sécession, l’action raconte les aventures de Harvey Drinkwater, journaliste de Boston qui rédige Texas Cowboys, une feuille de chou destinée aux gens de la Nouvelle-Angleterre qui rêvent de Far West, de chevaux, d’Indiens et de vrais cowboys. Se rendant dans la ville de Fort Worth, petite ville de la frontière où ne règne que la loi du colt, pour glaner des histoires authentiques, Drinkwater sera évidemment mêlé à plusieurs péripéties abracadabrantes.

À lire ou relire pour les dessins de Bonhomme et les dialogues toujours brillants de Trondheim.

Texas Cowboys; t1 et t2 (en coffret)

Mathieu Bonhomme (dessins) Lewis Trondheim (scénario)

Dupuis (2016)

 

 

 

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