Les nouvelles aventures de Lapinot ; Un monde un peu meilleur

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Par Dany Rousseau :

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L’Association (2017) Trondheim

En 2004, était publié l’ultime volet de la populaire série Les formidables aventures de Lapinot de Lewis Trondheim. La vie comme elle vient (Dargaud Poisson-pilote) racontait alors une étrange nuit aux allures ésotériques se terminant de façon tragique avec la mort du personnage principal. Les admirateurs assistants impuissants à cette conclusion abrupte n’avaient eu d’autre choix que de faire leur deuil. Personne ne s’attendait vraiment au retour de Lapinot. C’est donc avec grande surprise que l’on apprit que Lewis Trondheim avait décidé de ressusciter son héros après treize années passées au tombeau.

L’interrogation qui suivit l’étonnement de ce retour fut évidemment celle-ci : l’auteur allait-il nous faire le coup du cauchemar de Pamela dans la série Dallas[1]? Ramener un personnage assassiné par son créateur est toujours un dossier sensible. Pour Lewis Trondheim, ce sujet n’est cependant pour lui qu’une occasion de facétie. Nous savons tous que le bédéiste possède le talent de pouvoir régler ce genre question de façon expéditive en deux temps trois mouvements. Dans Un monde un peu meilleur, cette fois-ci publié à l’Association dans un format de 48 pages cartonné, Lapinot et son inséparable pote Richard discutent sur un banc. Le fantasque chat lance alors au lapin, dès la première casse, « Si tu mourais, tu voudrais que j’aille dans un univers parallèle où tu n’es pas mort et que je te ramène ici ? » Habitué aux idées saugrenues de son ami, Lapinot lui répondra par un laconique « N’importe quoi ! » Voilà, l’affaire est classée pour Trondheim et l’on peut passer aux choses sérieuses. Notons que l’unique clin d’œil au trépas de Lapinot est son t-shirt affichant un crâne, évoquant le logo du « Punisher », qu’il porte tout au long du récit.  En lisant le début de cette bédé, on sent le sourire en coin de l’auteur qui imagine sûrement la tronche de son lecteur après ce rabibochage scénaristique effectué avec style.

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L’Association (2017) Trondheim

L’action se déroulant quelque temps après la fin du dernier chapitre funeste, Lapinot rencontrera par hasard, grâce à une blague foireuse comme seul l’ami Richard est capable d’en faire, Gaspards, un homme qui voit les auras des gens depuis une semaine et peut ainsi savoir qui est bon et qui est mauvais. Testeur de médicament pour deux firmes pharmacologiques différentes, les nouveaux super pouvoirs du pauvre Gaspards sont une conséquence directe du mélange de substances qui n’aurait pas dû être mélangé. Détectant que Lapinot appartient au clan des gentils, le cobaye désorienté l’interpellera pour obtenir son aide. À partir de cette rencontre, tout s’emballe et la nouvelle fantastique aventure de Lapinot sera abracadabrante comme d’habitude et toute la bande sera aussi de la partie.

J’étais inquiet par le retour inattendu de ce personnage culte appartenant au mouvement de la « Nouvelle bédé » qui réinventera le 9e art à la fin des années 90. De plus, si je voue une admiration sans bornes à Lewis Trondheim, mes craintes étaient d’autant plus justifiées parce que je n’ai pas été impressionné depuis longtemps par ses dernières publications. Il a malheureusement donné souvent l’apparence de gratter ses fonds de tiroir. J’étais sur mes gardes et je doutais sérieusement des raisons pour lesquelles l’auteur disait avoir ramené son personnage du monde des morts.

Dès les premières cases, j’ai néanmoins laissé tomber mes appréhensions et me suis laissé aller. J’ai eu vite l’impression de retrouver une vieille paire de pantoufles confortables que l’on enfile en rentrant de l’extérieur l’hiver. Tout est là, intact, le même univers, la même répartie, les même excellents dialogues, le même ton satirique. Dans une entrevue au Huffington Post, Trondheim affirmait qu’il avait le goût de parler de notre époque, mais qu’il ne voulait pas créer un nouveau personnage. Le retour de Lapinot s’est donc imposé et c’est ainsi que les aventures du Lapin traitent des relations amoureuses à l’heure des applications pour téléphone intelligent — qui n’existaient pas lors du dernier tome — comme Tinder ou Facebook. Un monde un peu meilleur nous entretient aussi de thèmes comme la surinformation, l’actualité spectacle, le racisme et le jambon gazeux.

Alors que tous les éléments étaient en place pour que cet opus soit un lamentable échec, Les nouvelles aventures de Lapinot sont au contraire une sympathique réussite. Ne boudez pas votre plaisir et ne vous inquiétez pas, Lewis Trondheim est encore vivant !

8/10

Les nouvelles aventures de Lapinot ; Un monde un peu meilleur

Auteur : Lewis Trondheim

Éditeur : L’Association (2017)

48 pages

 

 

 

 

 

 

 

[1] Pour ceux qui ne saisissent pas la référence : http://www.audiencesusa.com/article-retrospective-dallas-partie-5-5-un-reve-qui-tourne-au-cauchemar-113949987.html

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