Par l’équipe de Bdmétrique
Les maisons sont habillées de neige. Les cadeaux sont sous le sapin. Le nouveau Star Wars est au cinoche. Tout indique que c’est la fin de l’année. Il est alors grand temps pour Bdmétrique de retrousser ses manches et de vous offrir son choix des meilleures bédés de l’année. Des sélections certes pas toujours unanimes, mais qui nous ont marqués d’une manière ou d’une autre et qui, surtout, ont fait battre nos cœurs d’amoureux du 9e art. En piste, chers lecteurs.

La Terre des fils (Futuropolis) Gipi
Dans un monde post-apocalyptique, quelques survivants gravitent autour d’un lac qui est pour eux le centre de l’univers. Dans une maison sur pilotis vivent deux adolescents avec un père brusque qui leur apprend à survivre sans tendresse. Le soir venu, il griffonne un carnet que les enfants illettrés ne peuvent pas déchiffrer. À sa mort, les deux jeunes n’ont d’autres buts de trouver quelqu’un pour leur lire les lignes mystérieuses. Ils seront ainsi confrontés à un monde où la violence et le chaos en sont le seul langage. Une œuvre forte à découvrir.
Objets trouvés (La Pastèque) Vincent Vanoli
Espiègle comme une vieille dame coquette, la bédé sait nous surprendre au détour et de fait, Objets trouvés est certainement l’ovni de 2017. Demandant au lecteur de laisser sa rationalité au vestiaire, le livre propose une douce extravagance le long du sentier de la folie ordinaire. Peintes comme si on les voyait par la fenêtre de notre esprit, les scénettes de la vie courante (ou pas) se suivent, liées entre elles par un fil inexistant, revenant sans cesse, comme un ressac perpétuel, nous offrir une pincée d’absurdité.

Titus Caropin est un auteur à succès. Toutefois, lorsqu’il décide d’entamer le tome VII de sa série culte, il frappe un mur et se retrouve paralysé par le syndrome de la page blanche. Ce problème banal serait peut-être passager si le plus grand admirateur de Titus Caropin n’était pas la Mort en personne. En effet, la grande Faucheuse attend avec impatience le septième opus de la saga « Caropinocienne » et est bien décidée à trouver les arguments les plus convaincants possible pour renvoyer Caropin à sa table de travail. Un récit hilarant, sans parole, mais à l’humour cartoonesque irrésistible. Un premier livre réussi pour le jeune auteur.

Winter Road (Futuropolis) Jeff Lemire
Winter Road est une histoire rude et brutale qui nous entraîne dans le monde timoré de Derek Ouellette, un ancien joueur de hockey professionnel mi-canadien-français et mi-autochtone. Suspendu à vie de la LNH après avoir presque tué un adversaire à la suite d’un assaut vicieux, Derek est une épave qui dérive dans l’alcool et la violence. Véritable bombe à retardement, au fond de lui couve une rage sourde qui menace d’éclater à tout moment. Retiré dans sa petite ville natale du Nord de l’Ontario, il retrouvera un matin à sa porte sa sœur. La vie vient de lui offrir une seconde chance. En revenant avec ses thèmes de prédilections, le hockey, l’Ontario rural et ses personnages d’origines canadiennes-françaises en perte de repère, Lemire nous entraîne dans une histoire sensible, authentique et rude comme l’hiver canadien.
L’enfant et le maudit (Komikku éditions) Nagabe
Dans un univers sombre et étrange, le monde est peuplé de monstres mystérieux et d’humains bien dissimulés. Au milieu d’un triste manoir aux longs corridors, le Maudit prend soin d’une petite fille qui attend qu’on vienne la chercher, en vain. Leur relation unique et sensible forme le centre d’une intrigue qui se dévoile doucement au fil des pages magnifiquement dessinées par Nagabe, toutes pleines de poésie désenchantée.

Intempérie (Dupuis/Air Libre) Javi Rey
Au milieu de ces terres espagnoles ravagées par une interminable sécheresse, un jeune garçon effrayé fuit à travers les champs d’oliviers. Sur ses traces, le shérif du village et ses hommes de main ratissent la campagne afin de le ramener chez son père. Mais pourquoi un enfant fuirait-il le domicile paternel ? Cette question, le vieux chevrier nomade qui le recueille peu après n’en a cure. Aussi rude que ces régions assoiffées, il prendra toutefois soin du fugitif et tentera de le protéger de ces ombres lancées à sa poursuite. Cet enfant brisé et ce vieux berger font de ce roman graphique une œuvre troublante qui nous habite longtemps après avoir refermé le livre.

Vogue la valise (La Pastèque) Siris
Siris, bédéiste emblématique de la bande dessinée underground, nous a offert en fin d’année une œuvre incontournable. Dans cette excellente autobiographie, le cinquantenaire nous raconte l’histoire de son père alcoolique et de son enfance trimballé d’une famille d’accueil à l’autre en passant par l’orphelinat dès l’âge de trois ans. Véritable modèle de résilience, Siris tiendra le coup grâce au dessin, à la musique et à des amis sincères qui lui serviront de bouée. Récit profondément solaire pour décrire un noir destin, la narration de Siris ne plonge jamais dans le misérabilisme, se permettant même plusieurs traits d’humours.
Titan (Pow Pow) François Vigneault
L’ADM Da Silva doit aller inspecter une colonie minière sur Titan, le plus grand satellite naturel de Saturne, afin de découvrir pourquoi elle n’est plus rentable. Il tombera sur Phoebe Mackintosh, une géante pas comme les autres. À la fois superbe récit d’anticipation et profonde fable futuriste, l’ouvrage unique de Vigneault est pénétrant, car sous un habile trait rond, l’amour se mélange au drame social.
Mentions particulières :

Paul à Montréal (La Pastèque) Michel Rabagliati
Dans le cadre des célébrations du 375e anniversaire de Montréal, Michel Rabagliati a réalisé un parcours urbain réunissant 12 cases de bande dessinée géantes réparties dans le quartier du Plateau Mont-Royal. Paul à Montréal regroupe l’ensemble des planches ainsi que plusieurs pages d’anecdotes sur la ville de Montréal. Original.

La vie devant soi (Futuropolis) Romain Gary/Manuel Fior
Remportant le Goncourt en 1975, ce roman de Romain Gary écrit sous le pseudonyme d’Émile Ajar n’a pas pris une ride et Futuropolis nous offre aujourd’hui une édition luxueuse illustrée magistralement par Manuelle Fior. Une excellente suggestion cadeau pour qui veut faire découvrir ou relire la magnifique histoire de Momo, un petit arabe dans un quartier populaire parisien. Que du bonheur !

Main d’œuvre (La Mauvaise tête) Arianne Dénommé
À la fin des années soixante-dix, dans les mines du Nord, les shifts durent cent jours. Cent jours à sortir de la roche, deux semaines de pause. Fly in, fly out. On est jeune, on est capable, la paye est bonne et tout le monde se retrouve le samedi soir pour une monumentale beuverie. La vie se creuse en attendant l’épuisement des ressources naturelles et humaines. Cette formidable bédé n’est pas mentionnée dans notre Top, car elle fut publiée en 2016 et lue au mois de mai 2017. Toutefois, nous avons cru important de vous mentionner l’excellent ouvrage d’Ariane Denommé.