Par Dany Rousseau :

Chacun parmi vous qui avez déjà voyagé dans un pays où la langue locale est complètement étrangère avez pu faire l’expérience de l’analphabétisme. Déambuler dans une ville où toute communication écrite ne vous est pas accessible peut être une épreuve un tantinet anxiogène. L’analphabétisme est le thème de la première bande dessinée de la scénariste Caroline Roy Element et de l’illustratrice Mathilde Cinq-Mars. Récit fictionnel, écrit au JE, Le Dernier mot (Mécanique générale) raconte une fête de famille qui tournera au vinaigre alors qu’un secret sera révélé. Les sept enfants et les huit petits-enfants qui sont réunis pour souligner les quatre-vingt-deux ans du grand-père, sont soufflés d’apprendre à l’heure du dessert, que le patriarche ne sait ni lire ni écrire. Ironiquement, le vieil homme aura été lettreur toute sa carrière pour l’Iron Ore à Sept-Îles. Grâce aux bonnes conditions de travail et au salaire respectable payé par la compagnie, il atteindra la classe moyenne comme plusieurs hommes de sa génération. Malgré son handicap, il pourra offrir à ses enfants une existence confortable, une famille aimante, un bungalow neuf, une grosse américaine dans l’allée, une piscine, un chalet et des études universitaires pour chacun.
L’aveu de son illettrisme cause la commotion dans son clan. Comment personne n’a jamais pu s’en apercevoir ? Un mélange de honte et de trahison est ressenti par ses enfants. Plusieurs prennent mal ce « mensonge » qui fut maintenu toute leur vie. La mère hystérique de la narratrice récupèrera tous les livres de la bibliothèque qu’elle avait offerts à son père et les emportera dans une sortie théâtrale.
J’avoue que cette famille m’a tapé royalement sur les nerfs. J’irais presque à dire que leur indignation complètement puérile et disproportionnée manque de crédibilité. On a tout de même vu des drames familiaux plus intenses. Ici pas de sang, pas de naissances illégitimes, pas d’agressions sexuelles camouflées durant trois générations. Non. Ici seulement un vieil homme digne qui passe outre la honte qui l’a harassé toute sa vie. Un vieil homme qui a le courage d’admettre son handicap aux gens qu’il aime, à qui il a tout donné. Heureusement, la narratrice démontre un comportement un peu plus nuancé, teinté d’admiration et de compassion envers l’ancien lettreur. Cette confession est vue à la fin comme une occasion de se rapprocher de son grand-père et le besoin de rattraper le temps perdu. Le dessin simple et élégant de Cinq-Mars rempli de nostalgie donne une plus-value indéniable à un récit émotif et touchant.
7.5/10
Le dernier mot
Auteur : Caroline Roy-Element (scénario) Mathilde Cinq-Mars (dessins)
Éditeur : Mécanique Générale (2017)
172 pages
Je dois dire que je suis bien intrigue. Le sujet me plaît beaucoup, tout comme le postulat de départ. Je note… et merci pour la découverte 🙂
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C’est un plaisir Mo, merci pour ton commentaire.
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