Par Dany Rousseau

J’ai beaucoup apprécié la première collaboration de Zidrou et Porcel dans Les folies bergères chez Dargaud en 2012. En 2014, j’avais même inclus ce titre incontournable dans un dossier sur la bande dessinée et la guerre 14-18 dont je vous laisse le lien ici. Cette histoire étrange et angoissante d’une compagnie de poilus usés par les massacres qui avaient baptisé avec dérision leur tranchée « Les folies bergères » m’avait à l’époque fortement bouleversé.J’ai forcément eu un grand bonheur lorsque j’ai découvert que le duo se réunissait une nouvelle fois. Après avoir visité le moyen âge avec Bouffon (Dargaud) en 2015 (que je n’ai malheureusement pas lu), Porcel et Zidrou restent sur la même lancés temporelle avec Chevalier Brayard toujours chez Dargaud. Dans ce dernier opus, nous sommes à la fin d’une croisade quelconque et le chevalier Brayard trotte à cheval vers son domaine en beuglant des chansons paillardes. Accompagnés du moine Rignomer qui rapporte les reliques de Sainte-Bertrude, la sainte patronne de sa congrégation, les deux voyageurs sont attaqués par une petite gitane armée d’une dague. Avec sa carrure d’ours et son habilité guerrière redoutable, Brayard se moquera de bon cœur de ce vain guet-apens tout maîtrisant la farouche jeune fille. Plus loin, victime d’un malentendu, le chevalier rencontra son ami le seigneur de Scorback après avoir massacré ses soldats. Content de se retrouver malgré tout, les deux hommes de guerre se racontent leur croisade et Scorback explique à Brayard que l’adolescente qu’il détient lui appartient. Cette petite gitane est en fait une princesse arabe et Scorback attend de son puissant père une rondelette rançon. Brayard, heureux de voir toute l’histoire s’éclaircir, prie Scorback de passer quelques jours à son château après s’être excusé platement pour le carnage qu’il a causé dans les rangs de ses hommes de main. Scoroback n’en tenant pas rigueur à son ami, accepte volontiers son invitation.

Malheureusement, une fois rentré, Brayard est loin de se sentir réconforté par la chaleur du foyer. Après sept ans d’absences, il trouve sa femme trop bavarde et est affligé par ses enfants qu’il juge complètement tarés. Brayard, derrière sa barbe ocre, ne pense qu’à une chose : reprendre la route. La chance lui sourit lorsqu’un messager apporte à Scorback une lettre du père d’Hadiyatallah, la petite infidèle. La missive demande qu’on lui ramène sa fille, toujours vierge, à Alep et qu’après vérification médicale, le prince arabe paiera la rançon. Immédiatement, trop content derepartir en voyage, Brayard offre à son ami d’accomplir cette mission pour lui.
Le moine Rignomer qui est confiné à la bibliothèque de son couvent comme copiste rêve aussi d’une échappatoire. Brayard ayant besoin d’un interprète pour son équipée invitera le religieux à se joindre à eux, ce que ce dernier verra comme un signe de la divine providence. Le chevalier, le moine, quelques hommes de main prendront donc la route pour Alep, accompagné de l’otage à la langue bien pendue.

Avec un scénario fluide, Chevalier Brayard offre un excellent moment de lecture rempli d’aventure, de bataille et d’humour. Les dialogues truculents et les réparties assassines qui sont la marque de Zidrou sont un réel plaisir. L’auteur s’amuse beaucoup avec les clichés et les idées reçues sur le Moyen Âge. Les bandits de grand chemin, les ceintures de chasteté, la violence exacerbée, la grossièreté, la malpropreté, les reliques louches, les saints loufoques, la faible estime de la vie humaine, tout y passe. Lors d’un festin décadent, sa femme Wadru égraine les décès des membres de la famille et les catastrophes depuis les sept dernières années. Brayard reste stoïque en engouffrant son repas, jusqu’à ce qu’il apprenne, en larmes, que son chien Butor est mort l’été précédent. Les gages sont efficaces et à de nombreuses occasions l’auteur avec habilité, fait entrer en résonance des situations comiques proprement médiévales avec l’époque contemporaine. Chevalier Brayard, sans avoir la force de Les folies bergères, demeure une bonne bédé qui ne se prend pas au sérieux et se découvre avec bonheur. Le dessin efficace de Francis Porcel est vif et précis, flirtant avec la caricature sans sombrer dans la farce.
8.5/10
Chevalier Brayard
Auteurs : Zidrou (scénario) Francis Porcel (dessins)
Éditeur : Dargaud (2017)
80 pages