Par Dany Rousseau :

Le duo à l’origine de la série à succès de 100 bullets (Vertigo), composé du scénariste américain Brian Azzarello et du dessinateur argentin Eduardo Risso, se retrouve pour une toute nouvelle création publiée chez Urban comics dans l’excellente collection Indies. La nouvelle saga intitulé Moonshine nous entraîne en 1929, en pleine prohibition, à l’époque où la contrebande d’alcool pousse les gangs mafieux à s’entretuer, mais aussi à offrir aux clients de leurs établissements clandestins les nectars alcoolisés les plus délicats. À New York, Joe « Le Boss » Masseria croit avoir trouvé le meilleur whisky frelaté des États-Unis. Il est prêt à tout pour conclure un marché avec le distillateur Hiram Holt qui distribue au compte-goutte sa précieuse décoction à partir de son trou perdu de Virginie situé au cœur des Appalaches. Après avoir essuyé de nombreux refus de collaboration, « Le Boss » décide d’envoyer à sa rencontre un de ses hommes de main, Lou Pirlo. Citadin indécrottable, peu habitué à la nature sauvage des montagnes, Lou se rendra sur le domaine Holt avec une voiture trop propre, des souliers trop vernis, un costume trois-pièces trop bien coupé et sa gueule d’acteur trop bien rasée. Immédiatement, le clan de bootleggers qui nous rappelle la famille consanguine du film Délivrance de John Boorman se méfie de ce petit caïd de la ville. Hiram Holt, en refusant une autre fois l’offre du « Boss », veillera à ce que son envoyé comprenne à qui il a affaire. Il guidera Lou dans un de ses alambics où gisent les corps démembrés de trois agents du FBI qui s’étaient montrés trop curieux la veille. Effrayé, Pirlo redescendra en vitesse dans le village paumé où il loge, prêt à rentrer à New York. Toutefois, le « Boss » ne l’entend pas ainsi et exige que le Beau Brummell fasse une nouvelle tentative. À partir de cet instant, le récit aux allures de polar se transforme en bédé d’horreur où la montagne devient soudainement un enfer dominé par une bête assoiffée de sang sortie d’on-ne-sait-où.

Si la prémisse de Moonshine peut paraître intéressante, je me suis rapidement perdu dans l’histoire. Les scènes qui se suivent de façon erratique provoquent de nombreuses confusions. Selon mes critères, lorsque l’on doit revenir plus de deux fois sur les pages que l’on vient de lire, c’est qu’il manque au scénario quelques qualités importantes comme la fluidité et l’intelligibilité. Le rythme lent du début nous donne l’impression de tourner en rond et de repousser le moment où l’action explosera. Malheureusement, quand cette dernière atteint son point culminant, nous sommes complètement perdus dans une course poursuite brouillonne et étouffée dans un capharnaüm de coups de feu. Le dessin de Risso n’aide en rien à s’y retrouver tant ses personnages sont mal définis. J’ai réussi à différencier les faciès des protagonistes qu’au prix de grands efforts, ce qui une nouvelle fois a constitué un obstacle à la cohérence et au confort de la lecture autant qu’à son plaisir. On se serait attendu à mieux de la part d’un duo d’une telle renommée. Moonshine est une totale déception.
5/10
Moonshine;tome 1
Auteurs : Brian Azzarello (scénario) Eduardo Risso (dessins)
Éditeur : Urban Comincs, collection Indies (2017)