La petite Russie
Par Dany Rousseau :
Après une très longue pause, Bdmétrique revient titiller votre curiosité avec des œuvres qui se sont accumulées dans notre bédéthèque sur le rayon à lire. Le premier ouvrage dont j’aimerais vous entretenir aujourd’hui est La petite Russie de Francis Desharnais publié chez Pow Pow en août dernier. Dans cet opus, l’auteur nous raconte de façon touchante un épisode de la vie de son grand-père Marcel et sa grand-mère Antoinette qui ont participé à une expérience coopérative rare dans l’histoire du Québec.
Le couple Desharnais s’installera en 1947 sur la colonie naissante de La Guyenne en Abitibi située à une cinquantaine de kilomètres d’Amos. Administré par une coopérative de travail agricole, chaque membre aura accès à une terre. Cependant, pour financer ses activités, le syndicat catholique de La Guyenne devra œuvrer dans l’exploitation forestière. Les colons, peu familiers avec ce système, y trouveront toutefois leur compte. En travaillant comme bûcheron, ils participeront tous à leur installation comme agriculteur et à l’installation de leurs concitoyens. Tout se fera dans un esprit de coopération, de démocratie directe et de redistribution des richesses. Isolée et vivant en quasi-autarcie, la petite communauté utopique de La Guyenne sera surnommée par ses détracteurs la petite Russie et ses habitants seront qualifiés de communistes à une époque où cette dénomination est un véritable anathème. Même si les Guyanais construisent une église et que le prêtre de la paroisse fait partie des comités décisionnels, les rumeurs de communisme et de bolchevisme ne disparaitront jamais vraiment. Les résultats seront pourtant là pour faire taire les mauvaises langues. La Guyenne se développera plus rapidement et de façon plus prospère que toute les colonies semblables de l’Abitibi fonctionnant sur les principes capitalistes.
Marcel et Antoinette auront 11 enfants et occuperont leur terre de La Guyenne durant vingt ans. Marcel se résoudra à quitter la coopérative lorsqu’il constatera que la tension entre le travail forestier — plus payant — et l’agriculture — plus difficile dans ces contrées éloignées — en viendra à un point de rupture. En effet, dans les années 60, la coopérative laissera tomber la promotion de l’exploitation agricole et se consacrera au développement des ressources forestières. Le tout se déroule dans un contexte particulier où le gouvernement a décidé de fermer plusieurs paroisses agricoles jugées marginales dans toutes les régions du Québec. Alors que Marcel rêvait d’une Guyenne peuplée de cultivateurs, celle-ci deviendra une contrée de bûcherons.
Il est heureux de voir Desharnais partager avec nous cette page d’histoire familiale et du Québec. La ligne claire en noir et blanc est chaleureuse et rend La petite Russie agréable à parcourir en plus d’être instructive. Ce genre d’expérience a effectivement existé dans la province, mais l’historiographie semble s’y être peu penchée. Desharnais est un bon raconteur, ce qui fait que tout au long de notre lecture, nous avons l’impression que l’odeur d’épinette et des feux d’abattis semblent nous chatouiller le nez.
8/10
La petite Russie
Auteur : Francis Desharnais
Éditeurs : Pow Pow (2018)
180pages.
Les ananas de la colère

Marie-Pomme est serveuse à l’Ananas d’or situé au cœur du réputé quartier hawaiien de Trois-Rivières. Fan numéro un des romans policiers de l’enquêteuse Shirley McSnuffes, sa vie sans histoire prendra un tour décisif lorsqu’elle découvrira morte sa voisine Bonnie Lavallée ancienne championne de limbo. La pauvre femme est étendue sur sa moquette, un verre de pina colada renversé à ses côtés. Tous les policiers de Trois-Rivières étant réunis à l’épluchette de blé d’Inde annuelle de la police, le seul policier en service ce week-end là conclura négligemment à une intoxication éthylique et une mort accidentelle. Même si Marie-Pomme sait que sa voisine est alcoolique, comme la majeure partie des retraitées du sordide monde du limbo professionnel, elle ne croit pas à la théorie vaseuse du constable trifluvien. Marie-Pomme, imitant son héroïne Shirley McSnuffes, essaiera d’éclaircir le mystère.
Le polar tiki kitsh Les Ananas de la colère (Pow Pow) de Cathon est un récit joyeusement décalé qui nous transporte dans un univers complètement déjanté. On se demande où l’auteur a pu pêcher une telle intrigue se déroulant dans le quartier hawaïen de Trois-Rivières où se trouve une plage digne des plus beaux bords de mer et un professeur de surf sur le Saint-Laurent. Les personnages sont truculents et l’enquête est menée de main de maître, ne négligeant pas les surprises délicieusement absurdes. Les ananas de la colère sont un pur plaisir et un moment de franche rigolade.
8.5/10
Les ananas de la colère (2018)
Auteur : Cathon (dessin et scénario)
Éditeur : Pow Pow
132 pages
Bon retour ! J’aime bien vous lire (malgré le curieux vert de la page). Je vais essayer de mettre la main sur ces BD de Cathon et Desharnais.
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Ces deux-là sont sur ma liste depuis quelques mois et vous venez tout juste de valider mes prochains achats.
Merci et bonne continuation!
PS. j’ai moi-même un blogue bd si vous voulez y jetter un coup d’oeil bdqg.blog
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Merci Mathieu, j’irai certainement faire un tour sur ton blog. Bonne journée et merci de nous lire.
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