par Mathieu T
La mort de Neil Peart, entre toutes celles de nos artistes préférés qui disparaissent au fil des ans, m’a montré que notre rapport au même objet d’art change en vieillissant, au fil de nos bonheurs et nos malheurs, que notre perspective sur l’œuvre, ce qu’elle nous fait vivre, se modifie. Un livre que nous avons tant adoré à l’adolescence ne nous dira plus rien ou au contraire, comme dans le cas de Rush, une redécouverte et une nouvelle jeunesse pour une discographie mille fois écoutée.
Ce qui est fascinant dans le cas d’Ether de Matt Kindt et David Rubin, c’est que c’est le processus inverse qui s’est enclenché. Voilà une œuvre simple dans sa formulation, mais complexe dans sa réalisation que je trouve formidable aujourd’hui et qui aurait probablement passé sous mon radar il y a une douzaine d’années. Fine maturité ou arriération grandissante ? Difficile à dire.
Boone Dias est détective et explorateur et a une réponse scientifique à tous les mystères qui nous entourent. Un beau jour, le voilà transporté dans l’Ether, un monde où la magie règne, afin de résoudre une intrigante énigme. Fidèle à lui-même et à ses principes, d’autres diront borné, il tente de résoudre les cas proposés avec une sa perspective rationaliste. Mais qui sont derrière ces crimes odieux ?
Les dessins de Rubin attirent d’abord le lecteur. Nerveux et détaillé, son trait rappelle celui de Simon Roy (Prophet) et Frederic Peeters (Aâma) avec juste ce qu’il faut de folie pour déstabiliser l’œil gourmand. Chaque case surpeuplée envoûte.
Parlons-en justement de l’histoire. Parti d’une idée simple et peu originale, un monde parallèle au nôtre, Kindt réussit à nous proposer un univers déstabilisant et malgré tout complètement cohérent. Sans sombrer dans la facilité ni la gravité ultime (certains dialogues sont très drôles), il propose des personnages hors-normes dont on apprend peu à peu les motivations au fil des pages saupoudré d’une jolie dose d’action.
Un très joli axiome qui sort des sentiers battus.
La série est toujours en cours et deux volumes sont parus jusqu’à maintenant en français chez Urban Comics et en anglais chez Dark Horse Comics.
Ether
Matt Kindt (scénario) et David Rubin (dessins)
Débuté en 2016
8,5/10