Par Mathieu T –
Deux séries importantes ont terminé leur long et sinueux parcours dans les derniers mois (automne 2019 et hiver 2020) et je trouvais important d’y revenir, surtout dans un contexte où la facilité du prémaché et du consommé rapide a aussi envahi le monde du 9e art.
Soyons francs et honnêtes, il y a belle lurette que Lewis Trondheim nous a pas pondu une œuvre marquante et mêmes les derniers Lapinot m’ont laissé sur ma faim (malgré les bons mots de mon ami Dany). Surcharge de travail de l’auteur ou embonpoint culturel du lecteur ? Qui sait. Toutefois, une série s’est épargnée mes critiques : Ralph Azram et son Heroic Fantasy revisité dont le tome 12 vient clore l’aventure.
Je retrouve dans Ralph Azram tout ce qui m’attire chez Trondheim : le sujet décalé, les dialogues absurdes et justes à la fois, des personnages ridules et humains, une facilité à bâtir un univers qui nous semble avoir toujours existé. Sans forcer. Sans pousser la note. Le récit de base est tout simple : dans un village reculé, nous suivons les mésaventures de Ralph, un sympathique bon-à-rien moitié paria, moitié magicien, aux cheveux bleus, comme Trondheim les aime tant.
Bien sûr, l’avenir de Ralph ne se résumera pas à pelleter le crottin de cochons et il sera au centre de toute une mythologique habilement construite par Lewis. Et comme dans ses bédés les plus marquantes, l’auteur manie habilement le va-et-vient entre le petit et le grandiose. La finale, toujours si importante à mes yeux avides, est satisfaisante et cohérente avec l’univers, le personnage et le bédéiste ; je dirais même, sans faire de méta-analyse, que c’est un joli clin d’œil au rapport entre le créateur angoissé et son travail.
Ralph Azram
12 tomes chez Dupuis
Lewis Trondheim
8/10
Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de Lastman, ce fantastique manga français créé à six mains par Bastien Vivès, Balak et Mickaël Sanlaville et vendu à plus de 400 000 copies dans le monde. Je la revisite puisque cette série aussi vient de prendre fin. Enfin presque puisque qu’il y a Lastman la série télé (pas vu) et Lastman Stories, des histoires en un tome sur des personnages secondaires (pas bon).
Autant vous le dire tout-de-suite, les six premiers livres font partis de mon panthéon et resteront à tout jamais dans ma bibliothèque didactique sur l’art de bâtir un scénario haletant, des personnages attachants et crédibles, un équilibre parfait entre action, drôlerie et mystère et une finale extraordinaire et cauchemardesque. Malheureusement, la suite est moins flamboyante et le tome 12 vient appuyer mon opinion que les auteurs ont laissé leur indescriptible doigté au bistro.
Après une honnête mise en bouche au tome 7, la longue descente vers la banalité, crime absolu pour des gars aussi talentueux, s’accentue. Seul le tome 10, sur la jeunesse de Marianne, au ton et au visuel complètement différents, garde notre attention éveillé.
Côté dessin, nous sentons les auteurs plus en contrôle, plus rigoureux, mais curieusement, j’aimais bien le côté détendu et coin de table des premiers albums. Là où le bat blesse, c’est le récit. Ça part en vrille, ça pétarade et les personnages sont peu à peu abandonnés à eux-mêmes dans une intrigue qui fait de moins en moins de sens et qui ouvre des portes et encore des portes sans les fermer. D’ailleurs, les trois gaillards ont mentionné plusieurs fois en entrevue qu’ils avaient eu de la misère à terminer la série à cause de leur horaire de travail surchargé. Dans ce cas aussi, la dernière case nous revoie à des créateurs constatant l’étendu de leurs ratés.
Bien sûr qu’il faut lire le tout pour connaître le destin de Richard, Adrian, Tomie, et les autres, mais cette lecture à un prix.
Lastman
12 tomes chez Casterman
Bastien Vivès, Balak et Michaël Sanlaville
7,5/10 (un résultat de 10/10 pour les tomes 1 à 6 et 5/10 pour les tomes de 7 à 12)