Par Dany Rousseau
C’est après une longue absence amis lecteurs que je vous reviens avec deux lectures sorties de la pile de BD qui s’accumule dans mon bureau. En ce temps de pandémie, bdmétrique en profite pour se secouer un peu les puces et tenter de vous informer et divertir.
Comme première critique j’aimerais vous proposer un bref aperçu de Bootblack du bédéiste franco-québécois Mikaël, qui nous avait donné précédemment le magnifique diptyque Giant (Dargaud). Dans ce premier volet de Bootblack, l’auteur nous amène encore dans le New York des années 30 en pleine crise économique. Nous découvrons encore avec Mikaël les populations immigrantes de l’East River qui tentent toutes ensemble de survivre dans ce Nouveau Monde qui se referme de plus en plus dû aux perturbations économiques.
Bootblack s’ouvre sur une scène dantesque au cœur de laquelle plusieurs corps de soldats américains gisent sur le sol. Certains sont même picorés par des corbeaux trop contents d’avoir trouvé une généreuse pitance à se mettre sous le bec. Au milieu de cette hécatombe, un frère d’armes est encore debout. Il collecte le « dogs tags » sur les cadavres et creuse des tombes de fortunes. À l’aide d’un flash-back, on fait un saut temporel à rebours et l’on se retrouve en 1929, alors que le jeune Altenberg, fils d’immigrants d’origine juive, s’enfuit de chez lui après une engueulade avec son père. Bien décidé à fuguer, le jeune garçon change toutefois d’idée au milieu de la nuit. Ayant l’impression qu’il a quitté la maison suffisamment longtemps pour sauver la face et inquiété sa mère, l’enfant retourne chez lui. Alors qu’il débouche sur sa rue, Altenberg découvre avec horreur que l’immeuble abritant l’humble appartement familial est en flammes.
Orphelin à 10 ans, sans autres familles, le jeune erre dans les rues de New York et devient cireur de chaussures, « bootblack ». Maintenant appelé simplement Al, le garçon grandit avec ses amis Buster et Shinny, aussi débrouillard que lui. Cependant, un jour Al croise le regard de Maggie la fille de l’épicier et il réalise que cette vie ne peut pas suffire. Il en arrive à la certitude qu’il a besoin de monter les échelons de la rue pour s’assurer un avenir et apporter enfin Maggie dans la grande roue de Coney Islande.
Je le dirai sans détour, le premier tome de Giant m’avait beaucoup plus happé que le premier tome de Bottblack. Le scénario est plus moue, moins haletant. On a souvent l’impression d’être dans des sentiers scénaristiques mainte fois empruntés. Et surtout, l’argot franchouillard des jeunes cireurs est insupportable. On peut comprendre que Mikaël voulait surligner à gros trait le milieu populaire de ses personnages, mais avoir l’impression que des petits new-yorkais parles l’argot de titis parisiens des années 70 est un très gros irritant. Le talent de conteur de Maël réussit toutefois à faire passer la pilule, mais lorsque l’on a aimé Giant, les comparaisons sont inévitables.
Heureusement, le dessin tient la route et nous accroche toujours à ce New York des années 30. On sent chez l’auteur une véritable passion pour ce lieu et cette époque. Un intérêt marqué pour cette masse d’immigrants européens qui essaie de faire leur place au soleil. Mikaël est très habile pour jouer avec ce thème. Al et ses copains font de nombreuses références à leur statut de natif comparé aux immigrants vus avec condescendance et parfois avec haine. Chacun répond à un stéréotype, l’Irlandais, l’Italien, le Polonais, l’Allemand, le Juif et l’utilise à sa façon afin de s’en sortir.
Mikaël, je l’espère récupèrera le coup dans son deuxième et dernier chapitre. On imagine mal que cette histoire ne lèvera pas à un certain moment donné connaissant le talent de son auteur.
7/10
Bootblack vol 1
Auteur : Mikaël (dessin et scénario)
Éditeur : Dargaud
64 pages

Wendy est une vingtenaire qui fréquente les cafés branchés du Mile-End et les salles d’expositions. Wendy se saoule, se défonce, sort fumer une « smoke », vomit dans de sombres ruelles et s’amourache de guitaristes de groupes underground. Wendy est constamment en lendemain de veille et rêve d’obtenir un stage d’artiste en résidence sur l’île de Fodjo.
Wendy du bédéiste originaire de Kahnawake Walter Scott est un coup de poing pour qui est allergique au langage texto (j’en suis) et n’est pas familier avec le monde de l’art contemporain montréalais. Cette BD complètement décalée et trash est souvent drôle, parfois redondante, mais toujours étonnante. Le dessin minimaliste joue avec les codes des émojis et des réseaux sociaux. L’œuvre de Scott est une plongée dans le monde des millénaux de la métropole. Traduit audacieusement par Catherine Brunet, enseignante de littérature au cegep du Vieux Montréal , Wendy est une fenêtre ouverte sur l’autre solitude dans ce qu’elle a de plus décalé.
7/10
Wendy
Auteur : Walter Scott, traduit par Catherine Brunet
Éditeur : Mécanique générale
216 pages