Par Dany Rousseau :
Guy Delisle est un auteur avec une place à part dans mon cœur de bédéphile. Issu de la bédé alternative de la maison d’édition l’Association où se retrouve des artistes comme Marjane Satrapi, Lewis Trondheim ou David B, Guy Delisle est l’auteur qui m’a ramené au 9e art à l’âge adulte alors que je l’avais abandonné au milieu de l’adolescence avec Tintin et Astérix. Dès le départ, j’ai été un inconditionnel de Delisle. Ses récits autobiographiques de voyage que j’ai lus et relus et donnés plusieurs fois en cadeau m’ont transporté à l’époque. L’auteur en m’emmenant avec lui à Shenzhen ou Pyongyang, m’a fait découvrit toute la force documentaire et informative de ce médium qu’est la bande dessinée. C’est pourquoi, lorsque j’ai appris la sortie de Chroniques de jeunesse, publiée chez Pow Pow, je me suis donné le devoir, chers lecteurs, de lire ce nouveau chapitre de la série et de vous en parler.
Ce récit nous fait découvrir le Delisle d’avant Delisle et raconte en toute simplicité les trois étés où le bédéiste travaillera comme étudiant à l’usine papetière de la White Birch dans les années 80. Située à l’embouchure de la rivière Saint-Charles dans le Québec natal de l’auteur, l’usine fondée en 1927, est un bâtiment industriel se démarquant par son architecture singulière qui ne se veut pas uniquement utilitaire, mais aussi esthétique. Construit dans le style Art déco, le bâtiment veut rappeler les immeubles modernes de l’époque comme l’Empire State Building et le Chrysler Building de New York ou encore l’édifice Price à Québec.
Encore une fois, Delisle démontre tout son talent à nous raconter le quotidien et les petits riens d’une manière nostalgique, touchante et aussi documentaire. Si tous les anciens étudiants ayant vécu au moins un été ouvrier s’identifient facilement au personnage du jeune Guy, le plaisir de Chroniques de jeunesse et bonifié par son aspect informatif. Tout au long de notre lecture, nous découvrons avec plaisir le monde papetier et nous assistons en tant que spectateurs à des scènes de vie en usine qui nous fait rencontrer les travailleurs qui y évoluent, comme entre autres, Marc le culturiste qui veut devenir modèle, le collègue chaleureux et malaisant ou encore l’homme impatient, sans nom, qui méprise les étudiants. Avec sa chronique du monde ouvrier des années 80, Delisle lève le voile sur une culture syndicale et sur les ambitions d’hommes tiraillés entre la réalisation de leurs rêves et le confort d’un emploi stable et très bien payé.
Les étés de Delisle sont aussi déterminants pour l’artiste en devenir, car c’est lors de ces moments d’arrêts qu’il prendra la décision qui changera sa vie. L’étudiant décidera alors de quitter le CÉGEP pour s’inscrire dans une école de dessins animés de Toronto ce qui l’entrainera plus tard vers la bande dessinée.
Chroniques de jeunesse est le voyage initiatique d’un jeune homme qui apprend à se connaître et découvrir un autre univers en travaillant de nuit autour de la machine à papier numéro 4.
9/10
Chroniques de jeunesse
Auteur : Guy Delisle (dessin et scénario)
Édition Pow Pow (2021)
152 pages.